08 décembre 2006

Histoire de cornes


La Ville de Nîmes vient de rendre public le résultat des analyses de cornes qu’elle avait confiées au Professeur Sautet, de l’Ecole Vétérinaire de Toulouse. On se souviendra en effet que l’Association Française des Vétérinaires Taurins (AVTF) avait refusé, par une décision prise à la majorité absolue des voix, de réaliser l’expertise des cornes prélevées à Nîmes pendant la saison 2006. Sans interpréter ce choix dont je ne connais pas les motivations officielles, il ne me semble pas (opinion toute personnelle) qu’il doive être tenu rigueur à l’association de n’avoir pas accueilli favorablement cette demande, dans la mesure où celle-ci émanait d’une ville qui s’est de facto exclue de l’Union des Villes Taurines de France (UVTF).

Dans un communiqué publié ce jour, donc, la Ville de Nîmes, adoptant pour la circonstance un langage très satisfait, se félicite du fait que sur dix-huit paires analysées, « seules les cornes de deux toros (n° 97 et 52) de la ganadería d’El Pilar (corrida du vendredi 2 juin après-midi), présentent un "raccourcissement artificiel des deux cornes" ».

Et la municipalité de poursuivre : « On remarquera avec intérêt, que le toro n° 59 de la ganadería Valdefresno, lidié le lundi 5 juin après-midi, a été remarqué par le Professeur Sautet comme "un exemple d’armure intacte" ». Diable ! Des cornes intactes ! Même pas un petit peu « arréglées », « escobillées » ou autrement réglementairement abîmées ? Que nenni mon bon monsieur, intactes, vous dis-je ! Réjouissons-nous de cette grande nouvelle : un taureau mis à mort dans la cité des Consuls représentant un exemple d’armure intacte !

Malgré le caractère savoureux de cette invitation à manifester un intérêt particulier pour ce qui semble devenu de façon officielle une exception, mon passage préféré reste le suivant : « N’entrent pas en jeu les toros des corridas mixtes. » Admirez le style : c’est bref, concis, tout est dit en quelque mots. Un exercice consistant à s’assurer de l’absence d’une fraude est un jeu… Rien qu’un jeu serait-on tenté d’ajouter. Mais surtout, à quel titre les corridas mixtes n’entrent-elles pas en jeu ? Chacun savait déjà qu’à l’occasion des courses de rejones les taureaux sont réglementairement (et néanmoins outrageusement) afeités ; nous apprenons ainsi que les matadors de toros (ou de novillos, voire les deux à la fois) à pieds défilant aux côtés d’un rejoneador, qui bénéficiaient déjà de l’absence de sorteo, pourront également dormir sur leurs deux oreilles, de même que leurs opposants, qui ne seront pas gênés par leurs cornes.

Mais cela constitue-t-il un réel changement ? Et bien non, justement, aucun. En effet, tout cela n’est relaté que pour l’anecdote, en quelque sorte, et dans le but de se racheter une conduite. Car on connaît le sort que réservent les arènes de Nîmes aux sanctions prononcées par l’UVTF. On en oublierait presque de se demander quelles seront les suites du verdict rendu par le vétérinaire toulousain s’agissant des deux taureaux d’El Pilar. Sans doute la Ville de Nîmes se fendra-t-elle d’un nouveau communiqué pour nous l’indiquer.