22 mai 2007

Les galeries que vous ne verrez pas… Feria de Abril 2007 (IV)


Comme Laurent le soulignait dans son précédent message consacré au cycle abrileño, la corrida est un combat, un art, un spectacle qui perd toute sa magie en passant par le prisme du tube cathodique. La photographie, d’une certaine manière, peine également à transmettre l’émotion ressentie par le spectateur sur les gradins, et même, le plus souvent, à jouer son rôle de témoignage et de compte rendu.
Nous nous sommes toutefois efforcés, bien modestement, de traduire nos impressions sur le gris cárdeno de Camposyruedos. Mais comment imprimer sur le film la vérité de tous les instants d’un Domingo López Chaves, la classe d’un José María Manzanares, la « sur-naturelle » d’un Alejandro Talavante ou la hombría hallucinante d’un César Rincón ? Comment rendre compte de la charge vibrante d’un Palha accourant au cheval... ou de la faiblesse affligeante d’un Juan Pedro Domecq s’effondrant sous la pique ? Sur le terrain du témoignage photographique, le plus difficile consiste sans doute à permettre de valoriser la prestation d’un matador en fonction de son adversaire. En effet, si vous regardez attentivement les photos, vous constaterez sans doute la beauté plastique parfaite de Sébastien Castella, auteur il est vrai d’une actuación techniquement impeccable, mais face à quel taureau ? Et que dire de l’injustice criante, pour qui a vu ces deux courses, du traitement défavorable réservé par l’objectif à López Chaves, lequel se l’est vraiment jouée face à un lot loin d’être simple, par rapport à Finito de Córdoba, tout à fait fidèle à lui-même ?

Nous avons fait de notre mieux, avec nos moyens d’amateurs (c’est-à-dire sans accréditation, le cul sur les gradins exigus, coincés entre deux Sévillans corpulents – les habitués de la Maestranza comprendront – et les pieds dans les débris de pipas), par afición et ce goût du partage qui va si souvent avec celle-ci.
Les galeries de photographies de cette édition 2007 de la Feria de Abril sont donc désormais au complet. Vraiment ? Non, nous vous avons épargné quelques perles de ce cycle : il en va notamment ainsi de la course minable de Puerto y Ventana de San Lorenzo, à l’occasion de laquelle on a pu encore une fois se demander ce que « Capeita » et El Gallo (quelle outrecuidance d’avoir choisi un tel apodo !) foutaient là ; ou de celle de Victoriano del Rió, un lot pour l’oubli qui ne nous a pas fait regretter de laisser l’appareil bien au chaud dans le sac, à l’abri des trombes d’eau qui s’abattaient sur le sable et nos têtes ; ou encore de la soporifique corrida d’El Ventorrillo.
Cette dernière mérite cependant une place particulière, dans la mesure où elle n’a pas été totalement inutile : elle a pu, en effet, démontrer s’il en était encore besoin que quelques menues aspérités suffisaient à mettre en déroute (le mot n’est pas trop fort) les toreritos du jour, pourtant bien placés dans l’escalafón grâce à leurs appuis. Ceux qui me connaissent, connaissent aussi ma mesure ; or en ce jour, avec tout le respect que je voue à ceux qui gagnent leur vie entre les cornes des taureaux, je n’avais pas de mots assez dur pour eux ; combien de matadors honorables, qui ne demandent pas mieux que de faire leurs preuves face à ce type de bétail, sont-ils laissés sur le carreau pour faire une place démesurée à ces trois-là : César Jiménez, Matías Tejela et Miguel Ángel Perera, pour bien les citer. Pour la petite histoire, Miguel Ángel Perera, vilainement accroché après avoir été prévenu par deux fois par son adversaire, ne devra son salut qu’au coiffage en brosse de la corne sur laquelle il a ainsi pu faire l’acrobate pendant d’interminables secondes en toute impunité. Quelques jours plus tard à Madrid, en intervenant de façon semble-t-il très inopportune pour un quite sur le toro de Sébastien Castella, le pitón sans doute plus naturel du bicho lui laissera moins de chance...

C’est donc ainsi que s’achève la relation de la Feria de Abril par Camposyruedos. Pas de reseñas, pas de bilan, et surtout pas de remise de prix ridicule. Quelques impressions jetées sur la Toile au gré des envies, sans méthode ni organisation.

Ni fleurs ni couronnes.