04 octobre 2007

Le risque zéro... (II)


Frère jumeau de Vall de Uxó, ce message, auquel j'ai uniquement rajouté ces lignes colorées, se languissait d'être publié. Aux yeux de certains, il fera doublon avec Le risque zéro.... En fait, il n'en est rien. Le risque zéro... (II) — merci Laurent — veut simplement dire ma tristesse et mon désarroi.

Impossible de ne pas faire la gueule lorsque l’on regarde les photographies de ces toros au campo, à Villamanrique de la Condesa dans la province de Séville. Tous, sans exception, portent des étuis, des housses, des capuchons, des gangues ou des manchons protecteurs (ben voyons) vilains comme tout et, j’ose le mot, humiliants. C’est Agustín Hervás qui, début août, transforma en triste réalité ce qui n’était encore pour moi, indécrottable naïf, qu’une vague expérimentation, une incroyable rumeur. Or, il est à craindre que la pratique se généralise, ayant cours aussi bien au sein de la holding Domecq que chez José Escolar Gil ou Adolfo Martín ! Remarquez bien qu’elle ne concerne pas, pour l’instant, tous les novillos (?) et/ou toros d’une même camada, tout au moins dans la famille Albaserrada.

Il y a peu, Bastonito s’inquiétait des conditions dans lesquelles ces trucs étaient posés, constatant amèrement que les toros allaient devoir encore être mis en boîte, et voyait là une belle opportunité de pratiquer « todo tipo de cosas » (si vous voyez ce qu’il veut dire). Javier, dans un commentaire à l’article d’Agustín Hervás cité plus haut, s’interrogeait : « ¿No es un afeitado encubierto?, ¿No se le quitan al toro "sus distancias"? » De ses défenses ainsi manipulées, brusquement plus grosses et aux extrémités parfois cachées, le toro finira peut-être par s’en accomoder tôt ou tard ? Jusqu’à ce qu’on les lui ôte (à quel moment ?, aura-t-il le temps d’intégrer le changement ?), une nouvelle fois immobilisé dans un cajón de curas ou...

Par conséquent, quid du "moral" de l’animal soumis à pareil traitement ? Quelle influence sur son tempérament et son comportement de brave (au campo et, éventuellement, dans le ruedo), ses relations sociales avec ses congénères ? Laurent me confiait cet été, de source vétérinaire, que la composition des trucs (quelque chose comme une espèce de matériau du type résine) pourrait bien avoir une incidence néfaste, tant sur la partie cornée que sur la partie osseuse de la corne...

A priori motivée par des impératifs commerciaux incompatibles avec tout principe de précaution — cela va sans dire —, cette pratique a de quoi laisser perplexe l’aficionado. En effet, tout maniement du bétail induit des risques importants pour les hommes et les cornes des bêtes ; alors que l’opération aurait précisément pour objectif de protéger ces dernières ! Protéger les cornes ? Mais de qui se moque-t-on ? Combien sont-ils, parmi les ganaderos, les empresas, les apoderados, les toreros et, accessoirement, les publics, à se soucier de la virginité des cornes ? Tout en gardant à l’esprit que le toro de lidia actuel est une création humaine en perpétuelle élaboration ; ne viendrait-on pas malgré tout de franchir un nouveau pas dans l’humanisation* de la Fiesta et la "domestication" du toro ? Processus qui passeraient, entre autres étapes, par davantage de maniement du bétail et son corollaire, l’augmentation du nombre de rencontres (déjà fréquentes) entre l’homme et l’animal.

Quoiqu’il en soit, essayez donc d’imaginer les têtes des inoffensives et romantiques gâchettes de Campos y Ruedos à la vue de bravos si ridiculement coiffés...

* Selon Le Petit Robert, entre autres acceptions : « Action d’humaniser ; résultat de cette action. » [C’est-à-dire] « Rendre (qqn) plus humain, plus sociable, plus civilisé. Rendre (qqch.) plus supportable, plus adapté à l’homme. »

Image Un novillo de Moreno de Silva arborant fièrement ses armures limpias © Camposyruedos