09 novembre 2007

Photographies (I)


L’apparition de la photographie numérique a brouillé de nombreuses cartes, ouvert de multiples possibilités et changé énormément d’habitudes.
Nous nous y sommes tous mis, avec plus ou moins d’enthousiasme et avec une crainte avérée, eu égard au nouveau support, dématérialisé, et des débuts logiquement chaotiques. Oubliés les négatifs, leur fine pellicule de gélatine, les planches contact et les odeurs des produits chimiques. Oubliées les longues heures, passées debout, dans la pénombre d’une lumière inactinique – la mienne était jaune ! – à maquiller, faire monter, éclaircir pour enfin aboutir, plus ou moins, au résultat souhaité.
A mon sens, le principal défaut du numérique est d’avoir fait passer à la trappe la richesse du noir et blanc, son grain et sa profondeur à ce jour inimitables, sa chaleur et l’émotion qui s’en dégage. Ah… cet univers de Sebastião Salgado, ces gris profonds et émouvants, tout ça évidemment combiné à l’œil du maître. Nous avons vu que les dernières évolutions des logiciels comblent peu à peu mais lentement ces carences. Il reste du chemin à parcourir. Et sans doute l’avenir nous apportera de plus grandes satisfactions encore.
Quoi qu’il en soit, il ne me paraît pas inutile de faire ici un parallèle entre le post-traitement informatique et l’ancien, celui du labo traditionnel car au bout du compte le travail reste le même, éclaircir, maquiller, faire monter, avec des nuances évidemment et des améliorations également.
Un négatif a toujours été un document à interpréter. Tout le monde conçoit qu’il ne représentait pas, en tant que tel, un travail abouti. Ce n’était qu’une première étape, un point de départ. Le photographe photographiait et le tireur tirait les épreuves. Car le tirage était et demeure un travail et un métier à part entière. Les grands photographes, les très grands, ont même leur tireur attitré, toujours le même. Donnez le même négatif à quatre tireurs différents et vous n’obtiendrez pas une seule photographie mais quatre interprétations personnelles d’un même sujet.
Eh bien finalement, en numérique, c’est un peu la même chose. Un fichier numérique qui sort d’un appareil photo, c’est un peu un négatif, sauf que là il est positif, mais qu’au bout du compte cela ne change pas grand-chose à la démarche. Car un fichier numérique n’est pas pour autant un produit fini et abouti. Ce n’est pas à proprement parler une photographie achevée, sauf à se satisfaire d’une médiocrité certaine. Tout comme un vieux négatif, un fichier numérique n’est qu’un document brut à interpréter pour enfin le rendre présentable.
A suivre...