14 août 2008

Parentis, deuxième acte : Raso de Portillo


Sans marcher sur les pieds de l’ami Batacazo qui va nous rendre compte de cette novillada, il m’a paru intéressant de détailler le comportement des six novillos de Raso de Portillo. Des novillos pas si faciles à lire et qui grâce à leur bravoure et leur caste sauvage ont permis aux spectateurs de passer une excellente après-midi d’émotions. Une émotion qui dépassa les aficionados entendus puisque l’ensemble du public put profiter des frissons émis par le « toro de lidia » et ovationner à la fin du spectacle les six picadors, véritables héros de la tarde.

N°49, negro.

Très bien présenté, volumineux et correctement armé, dégageant une extraordinaire présence en piste. Sauvage, il remate d’entrée de jeu et dévoile une grande fijeza. Malgré sa rusticité, il charge correctement au capote. Laissé sans opposant, il commence à gratter le sable, comme impatient d’en découdre de nouveau.
Rencontre 1 Placé à bonne distance pour la première pique, il pousse sur une corne, tête à mi-hauteur et fixe dans le peto. La pique est colossale, non que le picador exagère, mais la charge tout rein déployé est d’un poder rare.
Rencontre 2 Replacé au centre du ruedo, le novillo hésite à s’élancer. Il préfère défier son adversaire du regard en grattant le sable. Le picador joue le jeu et cite à de nombreuses reprises. Finalement le novillo s’élance et entre comme un canon dans le peto, manquant de faire culbuter l’homme qui, avec autant de houle, ne peut planter le fer. Le novillo s’emploie totalement, tête toujours à mi-hauteur et fixe. La puissance de ce deuxième assaut n’a rien à envier au premier.
Rencontre 3 Replacé immédiatement au centre du ruedo, le même défi s’installe, le novillo étant de nouveau tardo. Replacé à plus courte distance, le novillo s’élance comme une furie, avec autant de puissance que précédemment mais la poussée est moins forte ou plutôt discontinue, se faisant par impulsions. Pique trasera.
Malgré la violence de ses poussées et la puissance engagée dans le combat contre la cavalerie, le novillo a gardé tout son gaz et démontre un galop aussi puissant que sauvage. Sa charge est d’une classe immense, s’élançant avec ardeur sur Alberto Lamelas et le poursuivant après la pose des bâtons. La lidia est mauvaise et longue.
Il conservera cette charge tout au long du combat, allant a más. Quel moteur, quelle chispa peu commune. Sans un sentido exagéré, il apprend vite le jeu, n’allant pas plus loin que la muleta et se retournant comme un chat la poursuivant au plus près. La tête est basse dans la muleta, fixe ou donnant de la tête en fonction de sa manipulation. Mobile, répétant bien ses charges, le novillo garda la bouche fermée tout le long de son combat.
3 pinchazos, ½ épée très basse et 1 descabello.
Ovation à l’arrastre, silence au novillero.

N°37, negro.

Très bien présenté, moins volumineux mais armé plus offensif que son prédécesseur. Du nerf, de la fijeza, une charge correcte mais pas facile laisse présager un combat difficile. Comme son frère, il gratte le sable avant même l’entrée en piste du cavalier.
Rencontre 1 Placé à mi-distance, il tarde à s’élancer. Une fois au cheval, il pousse fort d’une charge progressive en mettant les reins, tête à moitié peto. Le poder est encore une fois présent.
Rencontre 2 Replacé à longue distance, il gratte le sable permettant au picador de s’exercer au cite. Tardo, il finit par répéter la même poussée progressive, tête fixe dans le peto. Pique très éprouvante pour le novillo, la puya entrant à de nombreuses reprises dans le cuir de l’animal.
Rencontre 3 De même que son frère, la troisième rencontre tarde à venir et est a menos. Une fois au peto, la puissance des deux premières rencontres est moins présente et le novillo pousse peu, se contentant de donner de la tête avec quelques à-coups.
Le tercio de banderilles donne lieu à une belle panique et il est bien difficile de porter un jugement sur les qualités du bicho lors de cette phase. A la fin du tiers, il n’y eut qu’une simple banderille sur le dos de l’animal. Cependant, le châtiment des piques n’a pas entamé son énergie et il s’affirme avec une charge nerveuse et bonne, tête basse dans le leurre. D’une grande caste, le novillo ne possède pas de vice particulier mais exige beaucoup. Les cites décentrés et muleta en arrière ou au niveau du corps de Venegas ne suffirent évidemment pas à canaliser la bête. Bouche fermée tout le combat et mort au centre du ruedo.
1 pinchazo, ¼ épée, ½ bajonazo et 2 descabellos.
Ovation à l’arrastre, silence au novillero.

N°17, negro.
Très bien présenté. Très musclé et armé correctement. Il remate très fort et comme ses frères fait preuve d’une grande fijeza, chargeant bien dans le capote avec toutefois une charge plus longue.
Rencontre 1 Placé à mi-distance, il pousse avec force et puissance d’une charge progressive en mettant les reins jusqu'à coller le picador aux planches.
Rencontre 2 Replacé à longue distance, il est tardo et est à nouveau mis en suerte. Il pousse correctement sur la deuxième pique mais sans la puissance de la précédente rencontre, d’autant plus qu’il donne de la tête et finit par donner des impulsions. Le châtiment est modeste.
Rencontre 3 A mi-distance, il gratte et est également tardo, confirmant le caractère défensif entrevu lors de la précédente rencontre. Il pousse par impulsions et donne de nombreux coups de cornes dans les étriers pour finir en sortant seul, à reculons !
Décevant au cheval, il fait preuve d’une bonne mobilité encastée. Bouche ouverte dès le second tiers, il laisse entrevoir une bonne charge. Les débuts de Carlos Guzmán sont prometteurs avec d’excellent doblones genoux à terre. En confiance, il cite de loin le bicho, façon Rincón, mais se fait voir et reçoit le novillo de plein fouet. Après l’accrochage, l’animal raccourcit complètement sa charge à droite. Guzmán change alors de main et tente de profiter de la corne gauche où la charge est un peu plus longue. Au final, un novillo mansote, manquant de classe, à la charge courte mais intéressant par sa mobilité piquante et son poder.
Avis, pinchazo, ½ verticale.
Applaudissements à l’arrastre, silence au novillero (mort très laborieuse).

N°42, negro.
Très bien présenté. Costaud, bien armé et de très belle allure. A son entrée en piste, le novillo manque de fixité et donne quelques signes de mansedumbre, des signaux qui en resteront là. Sa charge est bonne, le novillo mettant bien la tête.
Rencontre 1 Placé à petite distance, il pousse avec force et puissance obtenant rapidement un batacazo spectaculaire.
Rencontre 2 Placé à mi-distance, il s’élance promptement à l’inverse de ses frères, poussant avec la même force que sur la première pique. Il fallut les planches pour arrêter ce toro « bulldozer » et un exploit du cheval et de son cavalier pour éviter un second batacazo.
Rencontre 3 Placé à mi-distance, il tarde cette fois-ci à s’élancer. Sa charge dans cet assaut est brusque, le novillo poussant par impulsions, tête haute en donnant des coups. Le poder est toujours là et le picador peut faire remarquer tout son talent.
Rencontre 4 Placé à mi-distance, le novillo devient tardo. Replacé plus près, il s’élance et entre très fort dans le peto. Il retrouve là toute sa bravoure et pousse progressivement la tête fixée dans le milieu du peto. Le varilarguero tellement secoué ne put planter la puya.
Malgré le châtiment, le novillo conserve tout son poder avec un galop puissant de grande classe. Sur la troisième paire de banderilles, il prend Alberto Lamelas et lui inflige une cornada dans le mollet ainsi qu’une fissure de la clavicule. Courageux, Lamelas reste en piste, sans disposer des moyens physiques, ni techniques pour venir à bout du bicho. Sa charge est bonne sur les deux cornes, le novillo humiliant bien. Mobile, répétant, pourvu d’une grande fijeza et allant a más rien ne paraît pouvoir l’arrêter. Bouche constamment fermée, évidemment.
6 pinchazos, avis, entière basse, 1 descabello.
Vuelta al ruedo à l’arrastre, ovation au novillero qui part à l’infirmerie.

N°58, colorado anteado, fer de El Quiñón.
Très bien présenté. Lourd et bien armé, montrant une belle allure en piste. Distrait, il manque de fixité.
Rencontre 1 Il pousse progressivement sur une corne, tête haute, mais sans donner de coup. D’une puissance peu commune il bouge longuement le cheval, le châtiment est extrèmement fort.
Rencontre 2 Placé à mi-distance, il s’élance pour une seconde pique encore mieux poussée. La tête reste fixe, frappant le milieu du peto. Le picador en profite pour occasionner de nombreux trous situés très en arrière du morrillo. La rencontre est très longue et le châtiment là aussi très important.
Rencontre 3 Placé à mi-distance, il s’élance dans un assaut médiocre. La puissance est toujours là mais la poussée beaucoup plus modeste, tête haute en donnant des coups de cornes. A la décharge du novillo, son comportement allant sur la défensive est peut-être la conséquence du comportement du picador sur la pique précédente.
Après un tel châtiment il aurait été logique de trouver un novillo arrêté. Que nenni, mobile, n’ouvrant pas la gueule, il mit l’ensemble de la cuadrilla de Venegas en déroute au deuxième tiers. Noblote, chargeant tête basse, le novillo pourvu d’une excellente fijeza et d’une caste toute aussi bonne, répétant bien, offrait un combat intéressant que son opposant ne sut relever.
2 pinchazos, ½ épée et 1 descabello.
Applaudissements à l’arrastre, silence au novillero.

N°55, colorado oscuro listón.
Très bien présenté. Musclé et très bien armé, animal au trapío exquis.
Rencontre 1 Mal positionné, proche du cheval et dans une diagonale, il charge avec poder tête haute. Arrivant sur le cou du cheval, il lui inflige une cornada, continuant de pousser longuement, le picador étant obligé de faire un numéro d’équilibriste en se cramponnant à la puya pour éviter de se retrouver à terre. Malgré tous ses efforts, il ne put éviter le batacazo après une rencontre de longue durée.
Accusant le lourd châtiment, l’animal mit un genou à terre et le tiers s’arrêta là, malgré le retour du varilarguero sur une autre monture. Il est fort probable que la baisse de régime du novillo fut occasionnée par un emplacement latéral de la puya.
Tête haute aux palos, il entama là sa phase de récupération, pour ensuite aller a más. D’une charge correcte, tête basse, encasté et pourvu d’une bonne fijeza, il offrit un combat intéressant, mettant en échec le novillero. Bouche fermée jusqu'au bout.
½ verticale et de très nombreux descabellos, avis.
Applaudissements à l’arrastre, silence au novillero.

2 heures 37 de grand spectacle sans une seconde d’ennui !