04 août 2008

Pique andalouse : la suite


Pour faire suite à la féria de Beaucaire et à tout ce qui a été écrit et dit sur la pique andalouse Laurent Giner, président de l'ANDA nous a transmis le texte et les photos qui suivent.


Photo 1 : piques de toro
Evolution de la pique à cruceta
1- rondelle
2- première cruceta
3- seconde cruceta (pyramide à faces concaves)
4- pique réglementaire de nos jours (pyramide à faces plates)
5- pique de toro andalouse
6- pique utilisée de nos jours à Mexico

Photo 2
1- pique de novillo face concave
2- pique de novillo réglementaire
3- pique de toro andalouse

Pique, pique... les kilogrammes :
Les photos que j’ai réalisées avec l’aide d’un collectionneur anonyme sont suffisamment démonstratives. Peu d’aficionados ont eu le loisir ou la possibilité de comparer les piques officielles et andalouses de cette façon.
L’intention première de Beaucaire, vouloir valoriser le premier tiers, ne fait aucun doute et l’ANDA s’en réjouit. Je serai plus suspicieux concernant les organisateurs biterrois et bayonnais si, d’aventure, ils utilisaient cette pique andalouse si contreversée.

Le problème de cette puya doit s’analyser sous 2 aspects :
La question réglementaire
Cette pique ne s’inscrit pas dans le règlement de l’UVTF dont Beaucaire est membre du bureau. A ce jour, l’UVTF n’a donné son accord pour l’utilisation de cette puya qu’à titre d’essai et a demandé à ses membres voulant l’utiliser de formuler une demande à l’association.
Avait-elle le choix de dire non ? Je doute que l’Afición remercie les villes de Beaucaire, Béziers et Bayonne de jouer cavalier seul. L’UVTF affaiblie se relèvera-t-elle d’une telle carioca ?
Suite à un entretien téléphonique avec le responsable de l’UVTF d’Arles (M. Egidio), l’association doit demander un suivi par les vétérinaires (AVTF) avec notamment une analyse post-mortem sur carcasse. Exactement ce que nous avions demandé, lors de notre premier courrier, à la ville de Beaucaire.
Séville ne l’a pas fait, la France ira-t-elle jusqu’au bout ?

La question éthique
Nous le regrettons tarde après tarde, le premier tiers « part en sucette ». Les professionnels se foutent de l’expression de la bravoure du toro. Ils veulent juste qu’il soit piqué pour être toréable.
Les éleveurs ne sélectionnent plus sur la bravoure et encore moins la force ou plutôt si... cette force qui rend leurs bovins imbéciles et ennuyeux, à prendre 100 muletazos sans créer de sensation de danger ni d’émotion. Combien d’animaux (je n’ose pas écrire toros) se passeraient sans problème de 1er tiers ; ce n’est pas être anti-taurin que de le constater (heureusement qu’ils n’en sont pas capables).
Les picadors prennent des sueldos de 600 à 1000 € sans prendre de risque (95 fois sur 100) pour donner 1 ou 2 picotazos. Le système les pousse vers la sortie. Aujourd’hui, ils prennent de l’argent mais demain ? Existeront-ils encore longtemps ? Force est de constater que l’amour du castoreño et des toros a de très courtes limites financières.
Comment justifier de piquer même légèrement des animaux sans force ? Tout va dans le sens de la disparition du premier tiers ou de le réduire à une parade symbolique. Ce n’est pas la taille de la pique qui empêche le toro de s’exprimer mais le toro lui-même qui n’a pas le mental suffisant. La sélection des éleveurs pour faire plaisir aux toreros et apoderados en est directement la cause. Les études génétiques, commandées par Alvaro Domecq dans les années 1990, sur les relations entre la faiblesse et la noblesse l’ont amplement démontré.
Que l’on ne me parle surtout pas des goûts du public. Si le toro avait du poder et de la fijeza, ce qui n’est pas incompatible avec la noblesse, le public s’en contenterait comme il se contente des bédigues sans force du quotidien.
Je n’ai entendu personne à Madrid siffler l’extraordinaire (pour ceux qui étaient sur les gradins de Las Ventas et non devant le téléviseur) corridón de Palha de la San Isidro. Si elle avait été toréé par 3 des 10 premiers toreros de l’escalafón, elle aurait donné toute sa valeur au premier et au dernier tiers surtout. Mais les vedettes ne veulent pas transpirer et la noblesse agrémentée de force encastée les effraie. La densité des châtiments peut se doser (c’est déjà le cas avec les picotazos aux toros de vedettes) avec la puya réglementaire.
Voilà pourquoi la pique andalouse, demandée par les éleveurs (étonnant non ?) va dans le mauvais sens de la corrida, du premier tiers et accentuera le déclin de la bravoure du toro.
Laurent Giner
Président de l’ANDA