19 octobre 2008

Toros light, aficionados... pervers


Nous aurions pu créer une rubrique : nos lecteurs sont formidables. Comment ne pas relever en effet le bon sens du commentaire d’"anonyme" sur l’utilisation des piques andalouses : « A quoi bon prendre des mesures et instaurer des arènes tests en France, en mobilisant ces braves vétos, bénévoles je suppose. Il suffit de prendre sa voiture (ou son billet d'avion) et d'aller à la Maestranza pour constater que le dernier raccourcissement en date de la puya n'a absolument rien amené au premier tiers. Ceux qui argumentent dans ce sens veulent au mieux un nivellement par le bas et au pire une évolution néfaste voire funeste de la fiesta brava.»
Avec une nuance, mon cher Anonyme, car vous n’avez sans doute pas lu la totalité de l’argumentaire du Président de l’OCT. La pique andalouse, n’est en réalité envisagée que comme une première étape avant un glissement plus radical, une édulcoration bien plus définitive du premier tercio. Je le cite : "L’utilisation de la pique andalouse doit être généralisée dans un premier temps, puis à terme être remplacée par une pique encore moins destructrice grâce à une réduction du butoir encordé, 20 millimètres au lieu de 50 avec la possibilité d’utiliser la pique de macho à tout moment après la première rencontre."
Voilà qui nous aide à comprendre que la réalité des mesures de Beaucaire ne sont, pour le Président de l’OCT, qu’un marchepied vers quelque chose d’encore plus allégé. On s’en doutait, mais finalement les choses sont dites.
Parallèlement à tout ceci, il est difficile de ne pas s'étonner également des attaques de plus en plus fréquentes prenant pour cible une partie de l’afición. Elles deviennent trop systématiques pour être ignorées. On ne parle plus d’ayatollahs ou de talibans. Ces excès étaient tellement grotesques qu’ils ont fini par amuser la galerie tout entière. C’est le terme d’ultra qui a aujourd’hui la préférence des "édulcorateurs". Sans doute faut-il voir là une référence, peu flatteuse, aux supporters de football les plus crasseux. Ces attaques ont atteint leur apogée dans un article de Paco Aguado, publié par 6toros6, qui circule sur la toile, et dans lequel, sans sourciller, l’auteur qualifie une partie de l’afición de hooligans, autrement dit, des gens violents, abreuvés de haine et de bière comme le chantait l’autre. Rien que ça. Essayez de vous souvenir. A combien de rixes avez-vous assisté cet été dans les tendidos ? C’est pourtant écrit, noir sur blanc, assumé, et sans la moindre hésitation. Personne chez nous n’avait encore calqué son attitude et ses attaques sur celle des antis qui, en matière d’invective, d’excès et de caricature, en connaissent un rayon. C’est nouveau et cela peut même aller parfois très loin. Il y a dans la propagande du Président de l’OCT deux lignes, absolument effrayantes, à tel point que l’on se demande même s’il prend réellement la mesure de ce qu’il écrit. Je le cite encore : "Enfin, vérifier la bravoure du toro, ne doit pas avoir pour objet la satisfaction de pulsions violentes inavouables, sorte d’obscur transfert dont le toro ferait les frais."
Ceci est tout simplement... effarant. En même pas deux lignes, le Président de l’OCT vient de rejoindre la cohorte des pires des antis, ceux qui dénoncent les aficionados comme des êtres pervers. Je ne peux m’empêcher d’associer ces deux lignes, trop lourdes de sous-entendus, aux invectives que nous pouvions entendre cet été dans les gradins des arènes de Carcassonne. Depuis l’extérieur, au moyen d’un mégaphone, une petite vingtaine d’antis s’époumonait : « Aficionados ! Pervers ! Allez-y ! Masturbez-vous, masturbez-vous en regardant piquer les toros… » Sur l’instant ça nous a simplement fait froncer les sourcils, sourire même, car jamais nous pensions devoir un jour rapprocher ces insultes-là avec un texte écrit par un ancien torero. Vous allez nous dire que tout ceci ne vole pas très haut et nous éloigne à grands pas du sujet qui nous préoccupe : le premier tercio. Nous le savons, mais ce n’est pas Camposyruedos, en l’occurrence, qui pose les termes du débat. Un débat qui est faussé dès le départ, car à aucun moment un point absolument crucial n’est évoqué : la force du toro. Oui, le toro. Voilà quelle devrait être notre principale préoccupation : le toro, plus faible chaque jour. Jusqu’à l’adoption de la loi Corcuera, en 1991, le toro était supposé recevoir un minimum de trois piques, données avec une puya plus grande encore que l’actuelle. Et 1991, ça ne nous ramène pas non plus à l’époque de Lagartijo et de Frascuelo, même si c’était, déjà, le siècle passé ! Ne nous voilons pas la face. Les principaux fautifs de la situation actuelle sont les éleveurs qui, à de trop rares exceptions, élèvent désormais, par choix ou par nécessité, des toros qui n’ont plus la force de supporter ces trois piques. La plupart des corridas actuelles pourraient même être lidiées sans picador. C’est une réalité.
Le second problème est que la torería n’a que faire de ce tercio, qui n’est pour elle qu’une formalité et que jamais, sauf rares exceptions ou contextes imposés, elle ne le mettra en valeur.
Enfin, que les picadors apprennent à doser les châtiments ou que leurs maestros leur en donnent la consigne et nous aurons un tercio différent. Car le véritable problème réside plus dans la manière dont l’instrument est utilisé que dans l’instrument lui-même.
Ce faux débat sur la rénovation du tercio de pique n’est qu’un écran de fumée destiné à nous mener, un peu plus vite encore, à l’apogée du toro ligth, à l’apogée du toro de troisième tercio.