14 novembre 2008

"Frascuelo" à San Lorenzo


Il est toujours agréable en relevant le courrier de découvrir entre les factures et les relevés bancaires l’enveloppe grise frappée du sceau de l’association de La Cabaña Brava de Zaragoza
. On sait que le fanzine arrive et qu’on y trouvera forcément quelques perles. Le dernier numéro est particulièrement riche : José Tomás, Escolar Gil. Vous pouvez le télécharger sur le site de l’association. Et puis, au détour d’une page, ce papier de Jorge Laverón, qui évoque Frascuelo. Jorge ne m’en voudra pas trop pour la traduction… La photographie a été prise à Madrid pour l’Otoño.

Carlos Ruiz Escolar 'Frascuelo', le torero vétéran de l’escalafón, est réapparu à San Lorenzo de El Escorial, après le grave coup de cornu reçu à Las Ventas pour la San Isidro.
Une après-midi de mai, à Madrid, au sommet, un toro sauvage de San Martín a failli couper Frascuelo en deux. Carlos Frascuelo est réapparu, le jour de San Lorenzo, le Saint rôti sur le gril, avec des toros de San Martín. Cela s’appelle torería et hombría.
Le souvenir d’Antonio Bienvenida. Le maestro, qui après une cornada dans le ventre, revint à Madrid avec un toro du même élevage – Trespalacios – pour répéter, au même endroit, le même muletazo, un cambio de espalda.
Frascuelo est réapparu, à El Escorial, jour de San Lorenzo, dans l’arène de pierre, celle des toreros machos.
A l’affiche, Luis Gaspar 'Paulita', un torero aragonais qui borda le toreo de cape. Muletero avec du style, il réussit une grande après-midi et obtint deux oreilles, une à chaque toro.
Le troisième était Alejandro Amaya, un Mexicain multi millionnaire, grande plante, qui a joué son rôle, à sa manière.
Et Frascuelo a lidié, avec suffisamment de science un manso impossible. Le toraco de San Martín fuyait jusqu’à son ombre, et Carlos lui fit face, le long des planches. Il domina le fauve, le tua haut et salua sous une ovation de gala.
Avec le quatrième il atteignit la grandeur. « El toreo es grandeza », écrivit le maestro Joaquín Vidal. De la grandeur il y en avait dans les véroniques de réception du vétéran maestro madrilène. Grandeur dans la demi-véronique. La demi-véronique fut d’abord belmontienne, et ensuite frappée du sceau de celle d’Antonio Chenel 'Antoñete'. Et maintenant c’est la demi-véronique frascuelina.
Avec la muleta Frascuelo s’est doublé par le bas, a gagné du terrain et rematé au centre. Il s’est plu à droite, et a "adorné" avec des trincherillas et des changements de main.
Il s’est fait maître du toro par un trincherazo. Le toreo al natural, long, profond, par-dessus tout profond. Et l’obligé pecho de pitón a rabo (de la corne à la queue). Pas avec le snobisme de se l’amener à l’épaule contraire. Non. De pitón a rabo.
L’estocade a volapié, le toro roule sans puntilla. Deux oreilles, le délire.
Antonio Novillo, l’ami poète s’est exclamé : « La première fois de ma vie que je vois Frascuelo couper deux oreilles à un toro ! » Alors voilà… Le jour de San Lorenzo, à El Escorial, Frascuelo a érigé un monument à l’art du toreo.

Jorge Laverón