30 novembre 2008

Le dicO (III)


Je pensais logiquement accompagner ces définitions du dicO par une nouvelle recette, mais ce cliché inattendu de ma chatte m’a donné envie de vous parler de ma chatte. Voici donc le CV… de ma chatte.
De famille complètement bâtarde, Syrah est née en 2004 dans un coin perdu de la garrigue gardoise.
De pelage très rare, berrenda en colorada, chorreada en verdugo, botinera, bocidorada, Syrah est très appréciée par les matous du quartier. Très jeune elle décide de faire carrière, sur le tas, ou plutôt sur un toit brûlant.
Ma chatte sur un toit brûlant est une vraie chaude et s'est envoyée toute la crème des matous-matous du quartier, sans pique andalouse, de tienta ou de regatón. Jugez plutôt.
13 avril 2005 : Mistigri, 14 piques.
3 juin 2005 : Azraël, 12 piques.
11 juillet 2005 : Baltasar, 12 piques, fracture de la patte droite.
14 juillet 2005 : voyage au Portugal ; Bacalao et João Golfo de Leziria toréent ma chatte «por collera». Un massacre : 25 piques et fracture de la queue.
Sur le chemin du retour, et sans autre forme de préambule, mais trop tôt, elle en profite pour confirmer l’alternative, à Madrid. Là, j’ose même plus vous raconter.
15 août 2007 : grosse canicule ; j’ai dû raser ma chatte.
Ma chatte n'aime pas les moules.
Ma chatte n’aime pas les imbéciles non plus, ni les prétentieux.
Par contre ma chatte adore les mouches.
Alors, pour en terminer par un rebond blogosphérique en forme de clin d’œil à Xavier Klein, nous pouvons dire qu’au bout du compte nous sommes tous des mouches qui aimons les chattes.
Bon allez, je vous laisse avec les Andalous...

CARPINTERO (Charpentier). Único personaje de la Fiesta que, empleando un serrucho, está libre de pecado.
Unique personnage de la Fiesta qui utilise une lime en toute légalité.

ESPECTÁCULO CÓMICO-TAURINO. Festejo que, a diferencia de muchas corridas, tiene una parte seria.
Spectacle qui, à la différence de nombreuses corridas, comporte une partie sérieuse.

FALTA DE FUERZAS (Manque de forces). Invalidez del ganado que los taurinos achacan al exceso de kilos. Cabe añadir que en sus ganaderías favoritas se caen hasta los becerros.
Invalidité du bétail que les taurins attribuent à l’excès de poids. Il convient cependant de préciser que chez leurs éleveurs favoris, même les becerros ne tiennent pas debout.

GANADERÍA DURA. Únicos hierros con los que las figuras se sienten ecologistas y preocupados por conservar la naturaleza, negándose a matarlos.
Uniques fers avec lesquels les figuras se sentent écologistes et préoccupées par la conservation de la nature en refusant de les tuer.

SILENCIO MAESTRANTE. El que calla otorga.
Qui ne dit mot consent.

TENDIDO 7. Sector de la afición madrileña que, según los taurinos, por exigir el toro en puntas, protestar las reses inválidas, denunciar la falta de trapío y abusos como la carioca, la rueda de peones, etc., están acabando con la bella fiesta nacional.
Secteur de l’afición madrilène qui, d’après les taurins, pour exiger le toro en pointes, protester les bêtes invalides, dénoncer le manque de trapío et les abus comme la caricoca ou les ruedas de peones, etc., est en train d’en finir avec notre belle fête nationale.

WESTERN. Género cinematográfico que retrata a la perfección el ambiente de las corridas de rejones: muchos caballos, persecuciones y crímenes en la ciudad sin ley.

Genre cinématographique qui reflète à la perfection l’ambiance des corridas de rejón : de nombreux chevaux, persécutions et crimes dans la cité sans loi.

26 novembre 2008

Voyage au bout de l'afición (VI)


Une promesse dans la nuit

Les bretelles en débâcle, Antonio savoure à présent le brouhaha rocailleux qui enfume de voix ce bar d’un coin d’Espagne. Face à lui, absorbé par l’étalage outrancier de vieilles photos de corrida, Miguel fait tourner dans un gros verre rond le digestif commandé quelques minutes auparavant. Chacun écoute l’autre qui ne parle pas. Les derniers arrangements sont maintenant conclus et tout s’est déroulé comme prévu, dans la simplicité d’un repas entre amis. Le ventre maladroitement rentré pour passer entre deux vieilles tables de bois, Ignacio les salue tous les deux d’un léger mouvement de tête et quitte ce plein de vie pour entrer dans la nuit. Miguel et Antonio se disent pour eux-mêmes qu’Ignacio est un brave type et qu’il a dû entendre toute leur conversation. Chacun de son côté se surprend à sourire de cette possibilité qui n’a finalement aucune importance. Miguel achète ce que vend Antonio et Antonio n’a que ses vaches à vendre. Des vaches braves qui portent en elles l’héritage presque intact d’un sang que d’autres dans ce siècle qui s’achève ce soir ont démultiplié comme un produit de consommation courante. Après tout, chacun fait ce qu’il veut chez lui se dit Antonio en roulant entre ses doigts épais un bout de nappe blanche.
Miguel a maintenant achevé sa mauvaise hierba et glisse à son compère qu’il serait peut-être temps de faire comme Ignacio, de rejoindre la nuit. N’attendant pas spécialement de réponse à sa proposition, Miguel se lève, le regard toujours faussement plongé dans ces photos jaunies que son père devait déjà connaître. Antonio, lui, n’a pas bougé. Une déchirure invisible le cloue à ce vieux bois. La nuit, déjà, l’étreint, bien avant que cette porte qui fait entrer le froid ne s’ouvre sur dehors. Debout, Miguel s’effraie soudain de ce silence sourd et inédit, comme un cri sec plus tranchant que le froid qui l’espère. Antonio lui a saisi le bras sans qu’il ne s’en rende compte. Antonio ne lui a jamais saisi le bras avant ce soir. Comme s’il voulait étrangler ses propres peurs, il comprime de plus en plus sa main sur le poignet de son ami. D’un revers de la tête, Miguel a détaché son attention des vieux clichés que connaissait déjà son père et plonge, fébrile, son regard dans celui d’Antonio. Il sent qu’il recule mais sait éperdument que rien ne bouge en lui à cet instant précis. C’est le scintillement d’un sabre coupant l’air qui le cueille, un trait de métal bleu qui le contraint à rester immobile.
- « Tue-les toutes ! Ne les vends jamais ! »
Miguel a glissé sa main sur l’arrière du crâne et s’est alors rendu compte qu’elle était libre à nouveau. En observant Antonio enfiler son manteau, il s’est étonné de constater la bonhomie toute joufflue de ce visage. Ils ont savamment évité de passer entre les tables, ont salué les derniers clients au fond du bar et Antonio a ouvert la porte sur dehors. Une fois dans la nuit, après l’habituel abrazo et les dernières palabres entre amis, Miguel a regardé Antonio rejoindre sa voiture.
- « Je te le promets. »
Ce ne fut qu’un murmure porté par le vent froid. Antonio ne s’est pas retourné, il a levé la main qui avait serré si fort le bras de son ami et a fui dans la nuit.
Miguel est mort un jour, Antonio un autre, bien plus tard. Il ne reste aujourd’hui de cette nuit d’hiver que l’imagination de ce qu’elle fut ou ne fut pas. Même les vaches de Clairac ne sont plus là. Elles ont été envoyées au matadero l’an dernier par le fils de Miguel qui a tenu la promesse que son père fit une nuit à son ami Antonio. Et puis, mener deux encastes si différents que le sont le Saltillo et le Gamero Cívico devenait difficile. Les derniers mâles Clairac de Zaballos sont partis pour un coin de Madrid et ont disparu dans un anonymat presque complet.
Maintenant que l’hiver est là et que les Clairac de Zaballos n’existent plus que pour l’histoire, je me demande ce qui avait poussé Antonio et Miguel à passer ce pacte étrange. Nous ne le saurons jamais et c’est bien mieux ainsi.
Et cette nuit imaginaire, et cette promesse réelle, auront de toute façon toujours bien plus d’allure que ces quelques mots trop souvent parcourus dans les annuaires de l’UCTL ou de l’AGL : « En 19.., se adquiere esta ganadería por Don ….. ……… que elimina todo lo anterior. En 19.., adquirió vacas y sementales de Juan Pedro Domecq… »

Retrouvez la galerie des derniers Clairac de Miguel Zaballos sur le site.

Photographie Un Clairac de Miguel Zaballos © Camposyruedos

Nouvel indulto


Quoi ??!! Encore ?! En Novembre ? En pleine paix ?!

Et oui, l'indultite aiguë a encore frappé, aux USA cette fois et avec une inflation de pas moins de 100 % par rapport à l'an dernier. C'est la crise, c'est officiel !
La news est par là, c'est aux USA et l'article vient de Suisse.

Morceaux choisis de la dépêche :
M. Bush a lui épargné deux dindes au total, au cours d'une cérémonie avec juste ce qu'il faut de sérieux et de glougloutements à la Maison Blanche : Pumpkin (Citrouille) et Pecan (Noix de pécan), dans l'éventualité où Pumpkin viendrait à faire défection.
« Au cours des dernières semaines, j'ai beaucoup dit que je sprinterais jusqu'à la ligne d'arrivée. Mais j'ai assuré à ces dindes qu'elles ne trotteraient pas au-devant de leur fin. Parce que, dans le respect d'une longue tradition, Pumpkin et Pecan se voient ici accorder la grâce présidentielle, pleine et sans condition », a dit solennellement M. Bush à la veille de la grande fête familiale de Thanksgiving.
La dinde est ce jour-là le plat de résistance. Traditionnellement depuis Abraham Lincoln (1861-1865), le président se voit offrir une dinde pour l'occasion. Les présidents ont pris l'habitude de les gracier au cours du 20e siècle.
« Pumpkin et Pecan ont un voyage exaltant devant elles : elles vont s'envoler pour Disneyland aujourd'hui à bord de 'Dinde One' », écho d'Air Force One, l'avion présidentiel, a affirmé le président américain. « Ces deux volatiles vont passer le restant de leurs jours à glouglouter à l'endroit le plus joyeux de la Terre. J'espère qu'elles sauront rester humbles », a également dit M. Bush, qui quitte la Maison Blanche le 20 janvier.
Pumpkin est âgée de 20 semaines et pèse environ 20 kilos. Pumpkin et Pecan, dont le nom a été choisi par consultation du public en cette année électorale, ont été élevées dans l'Iowa (centre). Elles ont été traitées comme les autres dindes de l'élevage, sinon qu'elles ont été préparées à plus « d'interaction » avec les hommes en prévision de la cérémonie de mercredi, a dit la Maison Blanche.

Des indultos à foison... plus « d'interaction » avec les hommes dans l'élevage… et tout ça qui finit chez Mickey en grand Disneyland...

Évidemment, tout cela ne vous rappellera sans doute rien…
Tendido Glouglou

Juan Barjola


La Cabaña Brava nous informe qu’une importante exposition consacrée au peintre espagnol Juan Barjola vient d’être inaugurée à Saragosse.

Importante car près d’une soixantaine d’œuvres sont exposées, dont la quasi totalité n’a jamais été montrée. Posthume aussi, car Barjola naquit peintre en 1919, vécut peintre et mourut peintre — en 2004 à 85 ans — quelques jours après une chute d’échelle tandis qu’il tentait d’accrocher une toile dans son atelier de Madrid. Une espèce de batacazo dramatique en somme...

Les Bruegel, Saura, Uccello, Chagall, Velázquez, Pollock, Le Greco et autres Goya, Soutine, Picasso, Matisse, Bacon, De Kooning — sans compter ceux, nombreux, également cités dans sa biographie —, Barjola les a tous vus et il en connaissait même un ou deux, peut-être trois. Et malgré ces prestigieuses et encombrantes (p)références, Juan peignait du Barjola.
Une peinture de combat : ses Tauromaquias, c’est la guerre et ses Cráneos, c’est la mort. Les premières montrent toujours un toro dément et violent semant panique et terreur et qui, une fois tué — mais comment ? —, ne donne plus qu’à voir, dans les seconds, sa tête posée sur un billot d’abattoir.

En fait, des Crânes aux Figures en passant par les Chiens, les Tauromachies ou les Faubourgs, Juan Barjola figurait tout un monde... Pour l’approcher, franchir les Pyrénées direction Zaragoza. Pour s’y immerger, longer la côte jusqu'à Gijón...

Juan Barjola y su mundo à Saragosse au Patio de la Infanta (Ibercaja), du 20.11.08 au 08.02.2009.

En plus Sur l’exposition : le lieu & le programme Sur Barjola : une page de la Galería Antonio Machón à Madrid où il fait bon flâner (biographie, expositions, textes dont un d'Antonio Gamoneda*) et, surtout, surtout, le MUSEO BARJOLA à Gijón.
* Cliquer ici puis sur « Textos ».

Image Juan Barjola © Tauromaquia, 1993 / Huile sur toile, 81 x 100 cm / Collection particulière.

Jolies perspectives... (suite)


Très en avance sur la temporada 2009, les élevages des férias d’Alès et de Beaucaire sont d’ores et déjà connus ou annoncés : Palha et Dolorès Aguirre pour la première, Victorino Martín et Palha pour la seconde. Disons que les choses se présentent excellemment bien, n’en déplaise aux abolitionnistes du tercio de piques...

Sur la photographie, un Dolores l'an passé à Alès.

Précison de dernière minute La corrida d'Aguirre pour Alès aura cinq ans. Aucune précision concernant celle de Palha dont un toro devrait entrer dans la corrida concours de Vic-Fezensac. Le proche de João Folque de Mendoça qui nous a donné ces infos s'étonne en outre des affirmations publiées ce matin par l'inénarrable président de l'OCT quant à l'existence d'une supposée filière portugaise. Eh ben nous, ça ne nous étonne pas !

24 novembre 2008

Figures de toreros (II)


Carlos Escolar ‘Frascuelo’ est sans nul doute photogénique mais les occasions de le cueillir en train d’ajuster sa cape avant le paseíllo se font rares, de plus en plus rares. Même à Madrid où une temporada sans son nom signifierait pour l’afición — et pas seulement la madrilène — le début d’une fin, qui ne marquerait pas uniquement celle de sa longue trajectoire de matador de toros.

À regarder ce visage sépia, cette gueule à l’ancienne pleine de torería, on est saisi par son exceptionnelle gravité voire sa majesté — affronter et tuer des toros conférerait à celui qui en a la charge quelque chose "en plus". Parce qu’il ne combat pas les toros comme d’autres empilent des cubes, Frascuelo serait capable d’abriter sa muleta du vent ou de donner la lidia qu’il faut à un manso. Il se dit même que Frascuelo ferait marcher sa tête...

Mis à part une cicatrice au menton, l’arène — mais est-ce elle ? — paraît avoir relativement épargné ses traits ; le temps, lui, n’a pas eu cette délicatesse : des yeux en amande sans cils apparents, plissés et soulignés de deux arcs sculptés à la pointe du couteau, une faille en biais à droite sur la joue, une fine bouche pincée aux contours ridés, et des taches brunes témoignant plus sûrement de son âge avancé qu’une pièce d’identité ― quand les premières apparurent sur les mains de ma mère, je compris alors combien j’avais grandis.

Une trentaine d’années plus tôt, « muy importante fue la tremenda cornada de Frascuelo en Bilbao, al que un villagodio hirió en un pulmón »1. Un marqués de villagodio qui formait avec ses frères « bien armados y astifinos »2 une corrida « cinqueña, cuajada y seria » comme Frascuelo s’en coltinera une flopée tout au long de sa carrière...
« Frascuelo est un de ces toreros authentiques qui se sont faits pas à pas et qui, depuis leurs débuts dans la profession, recherchent dans les ruedos l’opportunité de prouver leur valeur. Il n’est ni n’a jamais été un torero d’affaires et d'intrigues3. Sa force, quelle que soit celle qu’il ait pu avoir, il la démontra tout d’abord devant le novillo et ensuite devant le toro, sans manières, sans facilités. Au cartel, Frascuelo garantit courage et dévouement. Ses lettres de noblesse, il les a acquises en tentant continuellement de résoudre les problèmes rencontrés dans tous les tiers. » écrivait Joaquín Vidal en 1977, après le passage de l’ouragan Santa Coloma sur la piste cendrée de Vista Alegre.

1977, c’était hier, c’est aujourd’hui et ce sera probablement demain...

Car une trentaine d’années plus tard, nous pouvons lire sous d’autres plumes des portraits fort ressemblants, à quelques formules ou rides près. N’allons guère chercher plus loin les raisons pour lesquelles Las Ventas aime et respecte Frascuelo. En 2008 et à 60 ans, il livrait toujours combat en attendant « l’opportunité de mourir sur les cornes d’un toro »... de Madrid ou de Bilbao.

1 Jorge Laverón dans El País en novembre 1977. Du même auteur, lire également Con una corrida de casta, Frascuelo todo un torero (01/05/1979).
2 Joaquín Vidal, La oportunidad de morir en las astas de un toro, El País, 16/08/1977. Toutes les citations suivantes en sont tirées.
3 « ... un torero de despachos, ni de cabildeos » dans le texte (en lien ci-dessus).

En plus Vous retrouverez les pré-"historiques" villagodios (ceux-là mi-Veragua, mi-Santa Coloma) du côté de San Muñoz, chez Agustínez, ou... en consultant Un villagodio ! sur le blog, la galerie sur le site ainsi que Terre de toros & la fiche du Centro Etnográfico del Toro de Lidia (avec un reportage à la clé).

Image Frascuelo le 25 mai 2008 à Las Ventas peu avant la course de Cuadri, complétée par deux toros de San Martín dont l’un, ‘Romero’, lui offrit l’opportunité de... © Manon

23 novembre 2008

Le dicO (II)


Vous vous souvenez sans doute que le dictionnaire humoristique de la fraude taurine a été publié par El País en 1998. Eh oui, faut suivre... 1998, une très grande année à Châteauneuf-du-Pape. Eh bien figurez-vous que c’est également en 1998 que Ferran Adrià s'est attaqué à la déconstruction d'un emblème de la gastronomie espagnole : la tortilla.
En effet, quoi de plus espagnol qu’une tortilla ? Après évidemment le toro, le pata negra bien sûr, les gambas de Roses, le Vega Sicilia, et les espardenyes. Ce qu’il y a de bien chez Ferran Adrià c’est que si de nombreuses recettes sont évidemment infaisables pour le commun des mortels, d’autres sont en revanche tout à fait accessibles.
Je n’ai aucune certitude en la matière, mais je me dis que ce doit être la marque des génies ça. Une tortilla española présentée sous forme d’écume chaude de pomme de terre. Il fallait oser. La première présentation de cette écume se faisait avec des lamelles de truffe blanche et se dénommait : Espuma caliente de patatas con falso tartufo. Et c’est la même année que le Bulli a proposé la recette qui va suivre : Evolución de la espuma caliente de patatas 'tortilla de patatas Marc Singla'. Cette déclinaison n’est pas née de l’imagination du chef mais de celle d’un de ses cuisiniers, dont le nom restera pour toujours associé à une des créations les plus emblématiques du Bulli. Et comme c’est relativement simple à réaliser, si on possède le matériel suffisant, CyR vous en donne la recette. La photo qui illustre ce post a été prise sur le site officiel du Bulli.

Marché (pour 6-7 personnes)

250 g de pomme de terre
100 g d’eau de cuisson des pommes de terre
125 g de crème liquide 35% de matière grasse
35 d’huile d’olive
Un siphon ISI d’un demi-litre
2 cartouches
300 g d’oignon
50 g d’huile d’olive
100 g d’eau
6 jaunes d’œuf
30 g d’eau
sel

Réalisation
Peler et couper en fine julienne les oignons.
Les faire revenir dans 50 g d’huile d’olive jusqu’à les colorer, en remuant sans cesse. Supprimer l’excès d’huile et, ensuite, ajouter de l’eau. Faire cuire jusqu’à évaporation. Saler. Renouveler l’opération jusqu’à obtenir une confiture caramélisée. Réserver.
Peler, couper et mettre les pommes de terre à bouillir en partant de froid environ 20 minutes.
Réserver les pommes de terre et conserver 100 g d’eau de cuisson.
Mettre les pommes de terre cuites et l’eau de cuisson au Thermomix à 60°.
Broyer l’ensemble et y ajouter peu à peu la crème fraîche puis l’huile d’olive. Saler.
Remplir le siphon et maintenir au bain marie à 70°.
On peut diminuer la quantité de crème fraîche et la remplacer par du blanc d’œuf.
Au moment du service battre les jaunes avec un fouet près d’une source de chaleur. Y incorporer l’eau en filet. Battre jusqu’à obtenir l’émulsion. Saler. C’est un sabayon quoi…

Dressage
Dans une coupe à cocktail, déposer un peu de confiture d’oignon chaude, le sabayon, de la mousse de pomme de terre chaude et un filet d’huile d’olive.

Allez, je vous laisse avec les Andalous...

AFICIONADO. Persona non grata para los toreros, ganaderos y empresarios. Para alivio de éstos, tan rara avis está en vías de extinción.
Personne non grata chez les toreros, ganaderos et organisateurs. Pour le soulagement de ceux-ci, cet étrange volatile se trouve être en voie de disparition.

ANDANADA. Especie de buhardilla o cobertizo en los cosos, situado inmediatamente debajo del tejado. Rebuscando, se puede todavía encontrar allí algún que otro buen aficionado.
Sorte de refuge situé immédiatement sous le toit des les arènes. En cherchant bien, on peut encore rencontrer quelqu'un qui ne soit pas un bon aficionado.


BAILE DE CORRALES.
Especie de guateque en el que los toros son sometidos a la ingesta de drogas. Tales excesos hacen que estos animalitos salten al ruedo con serias mermas en su aparato locomotriz y vayan dando tumbos.
Sorte de surprise-partie au cours de laquelle les toros ingurgitent des drogues. De tels excès font que ces animaux pénètrent en piste avec de sérieuses déficiences de leur appareil locomoteur et qu’ils avancent avec difficulté.

CAPILLA. Dependencia de la plaza donde los toreros demuestran su religiosidad, aunque muy pocos quieren saber nada del cura de Valverde y casi ninguno es devoto de San Isidro o San Fermín.
Dépendance des arènes où les toreros vont faire preuve de leur dévotion bien que très peu d’entre eux ne veuillent entendre parler du Curé de Valverde ou soient dévots à San Fermín ou San Isidro.

HINDUISMO. Religión, al parecer, muy practicada entre los ganaderos, la mayoría de los cuales es incapaz de sacrificar una vaca.
Religion apparemment très en vogue chez les ganaderos, la plupart d’entre eux étant incapables de sacrifier une vache.

KIKIRIKÍ. Pase que, como el canto del gallo, sirve para despertar al toro harto de somníferos.
Passe qui, comme le chant du coq, est utilisée pour réveiller le toro endormi par les somnifères.

PLANETA DE LOS TOROS. Expresión introducida por Cañabate para referirse a este mundo. Si el ilustre crítico levantara la cabeza, pensaría que ha sido invadido por extraterrestres.
Expression utilisée par Cañabate pour désigner le monde des toros. Si l’illustre écrivain relevait la tête il penserait que cette planète a été envahie par des extra-terrestres.

PRETEMPORADA. Período de tiempo de relax para el torero comprendido entre el final de una feria de san Isidro y el principio de la siguiente isidrada.
Période de repos pour le torero comprise entre la fin de la féria de la San Isidro et le début de la prochaine San Isidro.

22 novembre 2008

Nous sommes tous des surfeurs


Ce n’est pas une nouveauté, mais je n’avais jamais trouvé le temps ou l’opportunité d’évoquer ici : Nadando con chocos, le blog de Chapu Apaolaza. Chapu, qui participa à l’époque à l’aventure du premier Burladero punto com, est le fils du regretté critique taurin Paco Apaolaza. Il définit lui-même sa page comme un Blog gastro erótico marino taurino sentimental equidistante de La Concha y el Faro de Trafalgar. Une très jolie définition qu’aurait pu adopter Camposyruedos, à quelques kilomètres près…
Et c’est surtout la vidéo qui suit, mise en ligne sur Nadando con chocos, qui m’a donné l’opportunité de vous évoquer ce soir le blog de Chapu. Car comme le dit si bien Philippe, nous sommes tous des surfeurs... Yeaaah !

Josemi


Josemi nous annonce la naissance de son blog, très campero. Bienvenido en la blogosfera Josemi…

"Aprovecho también este mensaje para deciros que estamos buscando los emilios de Fernando Taboada y Ángel Guillén, de Jérez de la Frontera. Si alguien puede ayudarnos a entrar en contacto con ellos sería genial."

A demain pour le dicO...

Tout doit disparaître !


D'après ce que l'on entend à droite et à gauche, et ce qui sort de la bouche même du ganadero, il y a de bonnes chances pour que les toros de don Eduardo Miura sortent des chiqueros des arènes françaises suivantes :

Arles,
Peut-être Nîmes,
Béziers,
Istres,
Mont-de-Marsan,
Bayonne et
Dax.

Avant, nous avions droit aux injonctions péremptoires suivantes :

- Si t'es pas content, va à Céret !

ou :

- Si tu veux voir des piques, ta-ka-aller-à-Vic.

(ou l'inverse).

C'est con, mais on avait fini par s'y faire. Eh bien maintenant, il faudra composer avec le tout nouveau :
- T'es toriste [note du rédacteur : grrrr], ben t'as la miurada, nous fait pas chier.

Bon, alors tout va bien...

21 novembre 2008

Simply the best !


Il y a des gens qui mettraient la tête là où d'autres s'en voudraient de jeter leur pire belle-mère. Ceux auxquels je pense risque d'y mettre d'ailleurs bien plus que la tête. Les tripes, le coeur, et tout le reste aussi. Parce que oui, je vous le dis, pour rentrer dans l'arène, samedi soir, va falloir être gonflé, plein de foutre et d'hormones, de fierté guerrière à la con, et de pulsions meurtrières d'un autre temps, si on veut en sortir vivant. Ce genre de baston-là, faut pas s'aimer pour s'y jeter dedans. Les enfants de coeur auront mieux à faire, samedi soir, tout comme les fils à maman ou les tendres "fleur bleue" qui feraient bien de sortir Titus, sur les coups de 20h, quand le glas va annoncer le début de la guerre. Ça se passe à l'autre bout de la planète, entre les Miura néo-zélandais et les Pedrajas australiens, loin des terres où on croit encore que la seule poésie digne de ce sport consiste à se serrer fort entre copains pour mieux supporter l'impact d'une mêlée bedonnante. Que dalle, la mêlée, samedi soir ! Que dalle les envolées lyriques des ogives de cuir qui fendent la brise de la Gascogne sous les doigts veinés des pianistes de Chalosse. Les vrais héros vont au combat le torse offert et bombé, comme un Tío Bravo traverse Las Ventas en promettant la misère au cuirassé coiffé du castoreño qui aurait la malchance de se trouver sur la route. Samedi, sur les coups de 20h, il faudra piquer, piquer encore, piquer profond, car celui d'en face ne se dégonflera pas, et se fera un honneur couillu d'y revenir, d'y revenir encore, d'y revenir toujours. Pour ceux qui croiraient encore qu'on gagne ces guerres-là à grands coups de godasses ou qu'on domine un Victorino à force de redondos inversés, sachez que ceux dont je vous parle mettront toujours le coeur à charger "baïonnette au canon" et avancer la fémorale sur le diamant contraire. Sur les coups de 20h, le terrible affront de l'hiver 41 et l'ombre du sinistre Maréchal*, se feront un peu plus délavés, et les coeurs de ces chrétiens « en-catacombés » du grand et fier Sud de la France et d'ailleurs aussi, vibreront quand les 26 dolmens de barbaque "from down-under" s'entrechoqueront sur le champ de bataille du Queensland, comme les plus encastés cornus fondent sur le peto. Pour ceux qui croient encore aux vertus dépassées de la lutte pour l'Honneur, à la beauté des valeurs désintéressées qui poussent à rester debout, droit et haut. Pour ceux qui préfèrent mourir qu'abdiquer. Pour ceux pour qui le premier tiers "et rien d'autre", et pour ceux pour qui le XIII, "évidemment".
Samedi soir, Brisbane, Queensland, Rugby League World Cup Great Final, New Zealand Kiwis/Australians Kangaroos, parce que y'a pas que les toros dans la vie…

El Batacazo

* Le 19 décembre 1941, sous la pression de la fédération quinziste, le Maréchal Pétain signait un traité qui interdisait la pratique du rugby à XIII en France, « le plus français des rugby »...

Photo Newpix

20 novembre 2008

Le sacre des pimpants


Le sacre des pimpantsChez CyR, nous ne sommes pas sectaires, et si je l'affirme ce n'est ni pour la rime ni pour la frime. Quand une bonne idée germe quelque part sur la planète des cornus, comme un seul homme, notre communauté se dresse et salue l'initiative. Il serait opportun mais ô combien facile de tomber dans la description non exhaustive des célébrations de joie que celle-ci a engendré parmi nous : les collaborateurs jetant leurs sombreros en l'air, tombant dans les bras les uns des autres, pleurant, tirant des salves au ciel, hurlant des bravos, des vivas et des olés. Il serait même convenu de vous raconter les envolées lyriques, le froufrou des robes andalouses de nos femmes renversées après avoir dansé des castagnettes et chanté les meilleurs airs de manzanilla, ou vous dire l'étonnement des chardons et des roseaux du campo camarguais à la vue de Solysombra courant nu au milieu des bichos de Yonnet pour célébrer l'événement.
Mais tout cela est fade, car l'aube d'une ère nouvelle vient de se lever sur l'art de Pedrito de Portugal et de Mike Litri. Je parlerais simplement de liesse, liesse sous toutes ses formes et toute sa générosité, liesse dans toute la contraction de Li(bations) et de (F)esse. Brûlez vos agendas, aujourd'hui il n'y a qu'un ordre du jour ! La célébration de la dernière suggestion du président du grand Observatoire ! L’inénarrable dignitaire de cette noble institution vient d'ouvrir la porte à la réconciliation des chapelles, une épiphanie de congratulations sincères dans la grisaille de l'austérité monacale de la fiesta brava de Dax à Nîmes. Ne taisons pas plus longtemps l'insoutenable secret. Me voici, apôtre humblement nimbé de la lumière du prophète, tressaillant à l'idée de vous livrer sa Parole : créons enfin une soirée de récompenses pour la corrida directement inspirée des Hots d'or qui font de même avec le cinéma d'amour.


Découvrez Leonard Cohen!


- Dans un bel élan populaire, la cérémonie s'est organisée en l'espace de quelques heures, chaque aficionado délaissant sa pioche, son stylo ou son clavier pour rejoindre les cohortes spontanées qui convergent vers le lieu du spectacle. Je suis actuellement à l'extérieur, en marge du tapis rouge où j'attends les invités et futurs lauréats des trophées tant convoités. Alentour, la foule est dense et chamarrée, les objectifs des photographes crépitent au passage des privilégiés pouvant assister à la fête (la présentation d'un pass Callejón Féria de Nîmes est impérative).
JotaC, me recevez-vous camarade ? Vous êtes à l'intérieur de la salle et je peux vous dire que votre position fait beaucoup, beaucoup d'envieux sur cette terre. Permettez-moi de vous saluer confraternellement. JotaC, vous êtes en très bonne compagnie, je crois, puisque la noria people a débuté il y a un petit moment déjà ! Une première question : comment s'appellent les précieuses récompenses ? Quelle est leur forme ?

- Eh bien oui ! Mon cher Tendido, je ne boude pas mon plaisir car je suis particulièrement conscient de la chance qui nous est offerte d'assister à la première édition de l’Escalafónazo. Le trophée vient d’être dévoilé à l’instant même aux médias internationaux dans un tonnerre d’aplausos, comme il convient de dire ici. Il s’agit d’une échelle d’or compressée qui rappelle et symbolise à la fois l’élévation vers le sublime et la compression du temps qui nous comprime et nous presse, comme l'explique l’artiste, le très remarquable et remarqué Silvio Burado de Poñón.
De nombreux invités ont pris place aux tables du grand amphithéâtre où le champagne vient d’être servi. J’aperçois Paris Hilton sans qui la fête ne saurait atteindre son apogée. Si vous me permettez une remarque triviale, cher Tendido, elle ne suce pas que de la glace. Vous savez que la cérémonie se propose dans un immense élan œcuménique de réconcilier les inconciliables, nous attendons avec grande impatience l’arrivée sur scène de la marraine de cette première édition, Madame Brigitte Bardot qui doit prononcer l'allocution inaugurale.
Ça y est ! Le rideau se lève enfin sur un décor digne des plus impressionnantes productions hollywoodiennes. L’émotion est à son comble ! Le sex-symbol des sixties apparaît dans la lumière des sunlights suivie par la star incontestable de la saison, 'Desgarbado', le peace and toro love. C’est du délire !
De votre côté, mon cher Tendido, la foule semble s’agglutiner, sans doute quelques prestigieuses arrivées. Le tout mundillo se presse et se bouscule, personne n’a voulu rater l’événement. Narrez-nous donc cela, très cher.

- Vous êtes fort gâté au sorteo, JotaC ! Mais nous le sommes tous ! En effet, c'est dans une panique indescriptible que viennent de passer différents maestros triomphateurs de la temporada : El Fandi, Juan José Padilla, Antonio Ferrera, Manuel Díaz, qui... tenez-vous bien, est sorti a hombros de sa limousine spécialement conçue pour l'occasion. Mais oui, parfaitement !
Il y a aussi les très attendus "hijos de" qui sont en compétition pour la récompense du meilleur rejeton de la temporada. Qui de Julio Benítez, Cayetano, Sebastián Palomo Linares l'emportera ?... Notre chouchou reste le fils Capea qui - confidence ! - nous a assuré qu'il adorait ce que nous faisons. Il eut été malséant de lui répondre autrement que par la réciprocité admirative !
Je continue à vous commenter le flot ininterrompu des personnalités qui foulent le tapis rouge : Borja Domecq vient de passer en compagnie de son ami Jacques Dessange. Rappelons que sans toro, la corrida n'est rien, c’est pourquoi les grands éleveurs sont de la partie. Pêle-mêle je distingue Messieurs Domecq y Domecq, au loin, le Señor Domecq, suivi de près par ses cousins Domecq, Domecq et Domecq, c'est vraiment tout le campo bravo qui est là ce soir : « Buenas Noches Señor Domecq, Enhorabuena ! » Ah ! j'en avais raté un ! Extraordinaire de voir ensemble tout le monde ganadero !
Pardon ? Je consulte mes fiches, il y a là un malentendu, je crois. Écoutez, non, comment dites-vous messieurs ? Palha, Zaballos et Moreno de Silva ? Non, vous ne figurez pas sur la liste... Je vous prie de bien vouloir quitter les lieux sans attendre por favor... Sécurité !!!
Ici, encore et toujours l'émotion ! Sous les flashes, je vois s'abattre un blizzard de confettis en forme d'oreilles de toro. Quel spectacle extraordinaire ! On se croirait dans le Sud-Est. Je les vois par dizaines se mêler aux crinières sévillanes des compagnes de nos maestros. Le fastueux décolleté de Salma Hayek s'emplit de ces papelitos. Salma qui est là, superbe, amoureuse, belle, sensuelle et épanouie auprès de l'homme qu'elle aime : François Pinault. Ce soir, c'est la nuit des sentiments vrais, c'est l'amour qui parle sans déguiser sa voix et nous enveloppe de son envoûtante mélopée.
J'aperçois sur mon écran de contrôle le Mollah Omar qui décerne le prix Joaquín Vidal de la disparition la plus attristante. C’est l'ANDA qui l’emporte sous les applaudissements unanimes, la sincérité et les larmes du mundillo. Ah ! Comme la planète taurine ainsi rassemblée témoigne de l'immensité de son cœur et de la grandeur de son âme ! JotaC... faites-moi l'amabilité de reprendre le fil du commentaire, mes yeux sont embués à l'heure qu'il est.

- Comment ne pas partager l'intensité de votre trouble, mon cher Tendido ?
A l'intérieur de l'immense salle, le show continue dans une véritable débauche de congratulations, une cascade de superlatifs, une frénésie d’abrazos. Nos tympans vibrent aux accents du célébrissime toréador de Bizet. Placido Domingo entraîne l’assistance dans un chœur retentissant. Une marée de bras balançant en cadence le bandana rose de nos cultures taurines ! Les lumières explosent façon Jean-Michel Jarre. C’est… c’est… fabuleux ! La salle chavire… Oups ! Excusez-moi, le mal de mer...
Mon cher Tendido, et vous tous, chers amis aficionados, remercions les organisateurs qui n’ont reculé devant aucun sacrifice. Nous n’avions plus connu de tels émois depuis les premières opérettes de Francis López.
C’est maintenant la belle Adriana qui s’avance dans un costume paillette particulièrement cintré, laissant deviner toute la rotondité de ses charmes. Quelle formidable initiative ! Le prix « Cornada » remis par l’ambassadrice de la Croix Rouge. C’est aussi ça, la fiesta brava, ces moments où l'hémoglobine le dispute au point de suture le mieux ajusté. Les nombreux stylistes présents apprécieront la qualité du point de croix. J’aperçois d’ailleurs John Galliano, qui, tout émoustillé, embrasse le vainqueur, le fameux Docteur J. Vago, chirurgien chef des arènes de Medellín. « Alors Docteur, toujours au cartel ! », lui glisse au passage son malicieux compatriote, César Rincón.
Rappelons, mon cher Tendido, que le suspens ne fait que commencer. Le palmarès réserve encore des surprises. Le très convoité Escalafónazo de Oro ne sera attribué qu’en toute fin de soirée. Qui l’emportera ? Qui deviendra le Maestro des Maestros ? Quelques indiscrétions glanées dans les coulisses donnent à José Tomás les faveurs du jury. Mais, restons prudents. Gardons-nous de tout pronostic. Dans ce genre de compétition, méfions-nous des outsiders. Certaines voix prédisent la victoire de Miguel Ángel, d’autres encore murmurent Sébastien, David, Julián ou Manuel Jesús mais ne négligeons pas l’excellent finish de Belino II qui pourrait venir les coiffer sur le poteau ! Comme me le confiait, il y a peu, Frédéric Mitterrand scotché au bras d'une rousse électrique, si la carpe reste muette, c'est parce qu’elle gobe ses bulles. Et hop ! Une rasade de Dom Pérignon. Sacré Fred, quel boute-en-train !
Veuillez pardonner cet emballement coupable, cher Tendido, un moment d’égarement dans la liesse générale qui ne facilite en rien le travail de journaliste. Ça ne se reproduira plus.
Déplaçons-nous entre les tables et allons saluer notre confrère Paco Ruiz Miguel, commentateur pour TV Andalousie. Paco se trouve en compagnie d’une délicieuse tête couronnée. Maestro por favor ! Présentez-nous la merveilleuse Miss qui se trouve à vos côtés. Oh ! Seigneur quel honneur ! Mesdames et Messieurs, nous n’étions décidément pas au bout de nos surprises, permettez qu’à mon tour, je vous présente Anabel Armario, la légendaire … Anabel de Cadix, la belle aux yeux de velours !



Cher Tendido, je suis désormais en mesure de l’affirmer en dépit de toutes les polémiques sur sa taille, l’Andalouse a conservé tout son piquant.
Il semble d’ailleurs que la maja attise les convoitises. Guzmán, un jeune gitan de la cuadrilla de Cayetano s’interpose immédiatement. Oh là ! Tout doux, jeune homme ! Quelles sont ces manières cavalières ? A CyR, nous savons nous tenir. Certes, nous aimons multiplier les rencontres mais sans jamais nous attarder. Ce n’est certainement pas vous, mon cher Tendido, qui me démentirez. Dois-je revenir à la charge au risque de mettre à mal le gominé ? Nous n’en sommes qu’au premier tiers, peut-on prendre le risque de gâcher un début de soirée si prometteur ? Est-il pensable de laisser ce bellâtre dicter sa loi ? Reprenez l’antenne, mon cher Tendido, avant que je ne me départisse de mon flegme naturel. Je m’en remets entièrement à la sagesse de votre jugement.

- Cher JotaC, permettez-moi de vous recommander la plus grande prudence avec ces saltimbanques du harpon-crépon qui attirent généralement les filles de peu de goût dont le décolleté vertigineux cache difficilement le manque de discernement au moment de choisir le mâle, lorsque entre les chênes-lièges, les sementales entonnent leur brame ! JotaC, reprenez-vous camarade ! Je vous en conjure, la tête du jeune bohémien pour gominée qu’elle soit ne passera pas à travers les barreaux de l’échelle du trophée !!! C’est extrêmement dangereux ce que vous faites ! Ah ! Si… la tête a fini par passer, l’organisme a décidément des ressources insoupçonnées…

- Trop tard, mon cher Tendido. J’ai craqué. J’ai claqué le beignet de l’impertinent freluquet qui est passé, cul par-dessus tête, directement dans le saladier de sangria. Dans sa chute, la louche du service, en argent massif, a été catapultée dans l’espace. Après avoir livré un court combat aérien avec les confettis, elle vient de s’écraser lamentablement sur le crâne, fort dégarni, du Niño de Santa Rita.

El NiñoSainte Rita, la patronne des causes désespérées, que j’appelle de tous mes vœux a, de toute évidence, déserté les lieux. Le Niño, sonné, s’affale à son tour dans les petits fours, au milieu des banderilles de cocktails. K.O. ! Il est compté 10 par le doyen des alguazils qui intervient pour un rappel au règlement : « Le lancer de nains est rigoureusement interdit sous peine de poursuite. » Bravo Robert, quelle célérité !
Profitant du désordre, Paris Hilton, définitivement pétée et quasi nue, plonge dans la pièce montée soulevant un monstrueux geyser de chantilly… C’est désormais une indescriptible confusion qui règne ici.

- Il suffit JotaC !… Vous voilà, mon ami, plus colorado qu’un taurillon navarrais, dominez-vous ! Un peu d’aguante ! Vous êtes notre représentant et vient le moment de recevoir le prix du Blog imbécile anonyme, ou l’inverse, je ne sais plus… pour lequel nous concourons, je vous le rappelle ! JotaC ? JotaC ? Me recevez-vous ? Mon Dieu, il semble que la panique la plus complète ait gagné l’intérieur de la salle... Le jeune peón Calé, torturé par JotaC, a sauté entre les seins de Salma Hayek qui a abrégé ses souffrances par asphyxie. Je ne distingue pas grand-chose, tout ceci est décousu… Ce n’est plus une cérémonie, c’est Hernani ! Je devine à peine un sympathique édile chevelu cárdeno claro remettant à JotaC le prix du Blog anonyme dans un remerciement des plus laconiques : « Viens ici ! Je vais t’observer le scalp à coups de pique andalouse ! ».

EscalafónazoMaintenant la crinière officielle et permanentée court en zigzaguant dans les allées, poursuivie par JotaC qui a empoigné le Carretón de Oro destiné à récompenser le toro de la temporada. Paris Hilton tente un quite a cuerpo sucio armée de son seul courage et d’un fin dessous en dentelle, sans le moindre effet sur notre encasté collaborateur au contraire d’une horde de toreros qui se jettent sauvagement sur la malheureuse héritière hôtelière. Adrien Brody quitte la salle, évitant de peu d’être renversé par nos deux amis qui nous rejouent Bullit sans Persol et disparaissent à présent dans les coulisses. Morante fond en larmes, Rafael de Paula incendie le rideau de la scène avec son cigare. Et alors que la salle en flammes se vide, dans le plus grand des chaos, José Tomás monte sur l’estrade et lentement, se croise…

JotaC ?… Vous m’entendez ?

Ce texte a été écrit al alimón par Tendido69 et JotaC.

19 novembre 2008

Une lettre ouverte au maire de Dax...


... nous a été communiquée par Mario Tisné, ancien Président de l'ANDA, toutes tendances et générations confondues.

Monsieur le Maire,

L'article du quotidien Sud Ouest du 6/11/08 intitulé « Qui s'y frotte s'y pique » (demi-pique) vient de me sortir d'une torpeur taurine pourtant avancée, mais je lis que Roger Merlin et la FSTF sont des « prétentieux » d'avoir choisi l'indulto dacquois comme étant le plus mauvais geste taurin de l'année.

Le président de la commission taurine dacquoise aurait pu s'abstenir de réveiller de vieilles douleurs dont l'origine est pour le moins scabreuse.

Cette ville cultive une conception de la fête que tout le monde admet comme particulièrement réussie. Pour ce qui est des corridas, je partage, comme vous le lirez en annexes, les inquiétudes d'autres aficionados et non des moindres.

En 2007, à la lecture des comptes rendus de la presse et du Net, il apparaissait que les 30 toros de la féria avaient reçu 28 piques ce qui est une sorte de record et je m'en étais ouvert auprès du directeur des arènes de l'époque lors du congrès de l'UVTF 2007 à Bayonne.

Nombre de piques en 2008 ? Guère supérieur si j'en crois le peu crédible Zocato, et quelques copains, qu'importe. Obtenir moins ou autant de piques que de toros en dit long sur le concept global que peuvent avoir les spectateurs et les organisateurs. C'est le résultat d'un travail de longue haleine qui avait commencé avant Pierre Molas et qui fut encouragé par la presse officielle et Canal+ avec le boum taurin des années 1980. Et le processus se poursuit. On se sert de la corrida bien plus qu'on ne la sert, au prétexte facile que les voisins font de même ou que ça paie les majorettes.

A partir de 2006, nous avons retiré la banderole de l'"escalier 17 porte nord 1er rang soleil" car il était évident que l'afición dacquoise avait fait le choix du faux semblant et nous avons rejoint cet altermundillo naissant et itinérant qui se coopte et se réunit sur des sentiers moins battus et les routes d'Espagne, aficionados curieux d'apprendre et de découvrir.

En 2006, j'ai eu cette vision étrange et prémonitoire d'un indulto à Dax. Je l'ai écrit à l'époque. Je ne demande pas de béatification dans l'immédiat, il s'agissait d'un pronostic facile. Je reviendrai un jour pour une course sérieuse.

2008 : année des élections et donc de tensions, de déceptions, d'hypocrisies et de trahisons ainsi que de satisfactions, mais surtout de transition. La nouvelle équipe taurine devant gérer le programme de l'ancienne avec les avantages et les inconvénients assumés. Cette nouvelle équipe est d'autant plus porteuse d'espoirs, puisque pilotée par des aficionados issus de la Peña Campo Charro qui a longtemps revendiqué sérieux et authenticité.

Peña qui a vu naître : vous, le nouveau Maire, l'Adjoint délégué au Haut Commissariat aux Affaires Taurines, le Président de la commission taurine, deux membres de ladite commission et le Président de la course par qui le scandale arrive.

Mais voilà que le toro tonto que vous savez est gracié. Il a reçu une demi-pique d'après les récits les plus favorables. Les vidéos sont éloquentes.

Il est gracié car le matador en piste est coutumier du fait et parce qu'il suggère lourdement l'intervention du public avec un métier consommé pour la théâtralisation.

Autrement dit, le public est lourdement manipulé. Quelques personnalités taurines appuient la démarche par politesse ou complaisance et on assiste à quelques convulsions gesticulatoires dans le callejón. La présidence, quoiqu'en désaccord, obtempère dans un souci de sécurité publique très compréhensible. Après tout ils n'ont pas vocation au martyr.

La présidence, prise en otage par la foule ? Sûrement.

Compétente ? Sûrement aussi.
Pourquoi vouloir présider cette course ? On ne sait pas.

Nous sommes nombreux à trouver là l'aboutissement inévitable, après plusieurs décennies, de complaisance assidue et d'autosatisfaction. Des années à enfoncer des clous : Dax l'Andalouse, systématiquement flattée et cajolée. Dax l'artiste, la raffinée, la sensuelle, son public merveilleux et quatre-vingt pout cent d'abonnés et des arènes qu'il faut remplir toujours plus vite. Des années à dire à cet enfant gâté qu'il est beau, intelligent et fort. Et au bout du compte, on se retrouve avec un adolescent caractériel capricieux et mal élevé, plein de boutons et ne s'habillant qu'avec des nippes de marque.

Deux solutions :
- on revoit la méthode éducative et c'est le boulot des parents, de l'entourage (et du psychologue scolaire ?) ou...
- on laisse courir et préparez-vous à des résultats aléatoires, inattendus, surprenants !

Car toute la difficulté des aficionados et organisateurs est bien là : le public dacquois est crédule et mal instruit et personne n'ose le lui dire.
Et le client étant roi, les autorités dacquoises sont prêtes à admettre qu'une demi-pique suffit à gracier un torito pec pour être en phase avec l'air du temps.
Et qui peut souscrire à l'argument selon lequel sept mille personnes ne peuvent se tromper ? Qui peut objectivement affirmer qu'une foule n'est jamais injuste ? Qui oserait s'engouffrer aussi dans le fallacieux prétexte qui veut que parmi les « pétitionistes » se trouvait un torero ?

Et quelle peña aurait osé faire la moindre déclaration dans la presse écrite dans les jours qui ont suivi ?

Aucune. On n'est « Pas des béni-oui-oui » Sud Ouest (18/06/08) mais on se tait.

En prenant ses fonctions Christian Laborde avait risqué une idée : « la majorité des spectateurs n'est pas constituée d'experts. Parfois des réactions au moment de la pique notamment qui mériteraient d'être nuancées. » (Sud Ouest 28/05/08), et il envisageait la distribution de prospectus éducatifs à l'entrée des arènes. Du coup je lui ai envoyé un exemplaire de facture ANDA qui fit fureur dans le passé. Hélas.

Depuis, le public est devenu formidable et Christian Laborde le dit dans le même canard le 18/08/08 : « Je pense que l'on n'a pas le droit de décevoir le public comme celui que j'ai observé ici. Car je l'ai beaucoup observé, attentivement, et je ressors avec l'idée forte que l'on a un vrai public à Dax. » (Pour sûr qu'il est vrai.)

Il avait certainement lu cette phrase historique de l'adjoint municipal délégué au Haut Commissariat chargé des affaires taurines qui dans le MAG FERIA avait déclaré avec un soupçon d'emphase : « Depuis un certain nombre d'années les arènes sont pleines à craquer à chaque féria. Parce que simplement les cartels sont adaptés au public dacquois qui reste extrêmement exigeant. » Jacques Pène.

C'est chouette la vie. On a un public d'experts payants, à quoi sert la présidence ?

Alors il faut donner de l'avoine à ce public rémunérateur qui exige des émotions hystérico-exclusives, la chair de cul de poule, la transe fériale et facile. On ne peut pas le laisser repartir les mains vides. Il vient chercher des émotions et donc à défaut d'authentique on lui fait des papouilles : de trophées, de sorties a hombros, de Vino Griego, d'Aquellos moutagnos (« l'hymne des gens du Sud » a dit un érudit) et... d'un indulto. Bien. Et demain quoi ?

Un chrétien ?... Des lions ?... José Tomás ?... 200 000 euros d'émotion ?
L'émotion est-elle négociable ?

Et la bravoure ? La charge ? Le danger ? La poudre ? La gloire ? Le sang ? La peur ? La beauté ? La paille et le caca ? Le risque ? Mais par-dessus tout : l'INCERTITUDE ? LE COURAGE et le TALENT qui font que ce combat VRAI puisse parfois devenir un ART ?

Un aficionado, grand, blond et célibataire a dit : « Si on indulte les nobles, on fait quoi pour les braves ?» C'est quand même plus intelligent que de dire : « Si tu veux voir des piques t'as qu'à aller à Vic ! »

Il se trouve que ce toro (imprévu au casting initial) est issu d'un élevage qui a été déclaré positif par l'AFVT suite aux analyses de cornes (4 cornes aféitées sur 4 analysées) en fin de temporada 2007 et que dans son histoire cet élevage s'est souvent signalé pour sa « perte de substance » (Arles, Nîmes). On verra bien si les demi-frères de la course historique du 7 septembre se signalent par des manquements similaires. Ce qui serait un peu ridicule pour 'Desgarbado' qui dans le campo serait moqué par les futures mamans.

Nul n'est obligé d'adhérer à l'UVTF et à son règlement qui prévoit que les toros ne doivent pas être aféités et que le minimum de deux piques est un minimum en dessous duquel on conviendra que le tercio et la lidia perdent du sens, de l'avis des générations d'aficionados et d'éleveurs qui nous précèdent.

Nîmes vit bien sans l'UVTF et Dax a le droit de la rejoindre si elle choisi l'option de la « modernité » ou de « l'évolution »... Choix respectable (?), qui aurait le mérite de la clarté mais pleine de conséquences fâcheuses pour l'UVTF. Pour autant, le fait que Dax et Mont-de-Marsan officialisent le fait de ne pas respecter le règlement de l'association à laquelle elles adhèrent, affaiblit toute l'entité..

A l'heure où vous me lirez, l'ANDA sans doute aura disparu. Je reste à votre disposition ainsi qu'à celle de vos collaborateurs afin d'écarter toute suspicion de dérobade mais que l'on m'évite « ayatollahs, aigris, peine à jouir, analphabètes, assoiffés de sang, puristes, rigoristes, gardiens du temple, etc., etc... » car ce sont devenus des qualificatifs usés qui peinent à remplacer les arguments.
Vous ne manquerez pas de trouver en annexe une compilation des meilleures pages internet d'aficionados qui n'ont malheureusement jamais eu accès à des colonnes de grande diffusion. On doit les remercier de la liberté et de la qualité de leur expression.

Veuillez agréer, M. le Maire, l'expression de mes sentiments les meilleurs.


Mario Tisné

17 novembre 2008

Voyage au bout de l'afición (V)


Dña. PALOMA SÁNCHEZ-RICO DE TERRONES

«Le passé est une source de plaisir non pas par le souvenir, mais parce que son énergie participe au présent.» Eugène Green1

Quand à la sortie d’une courbe à gauche légèrement surélevée se déploie une longue ligne droite au revêtement parfait avec la Peña de Francia en fond, soudain le pied vous démange et, même si vous n’avez pas une âme de Fangio, vous appuyeriez volontiers comme un malade sur la pédale ! C’est tentant, voilà tout, sauf que vous risqueriez bien de rater le chemin, là, à gauche, deux cents et quelques mètres après le virage, en face de l’embranchement pour Sanchogómez. Mais au bord des routes, certains panneaux indicateurs font indéniablement plus d’effet que d’autres et vous n’avez pas vu la ligne droite qui vous faisait de l’œil. Les nôtres, d’yeux, sont rivés à bâbord pour ne pas manquer la modeste pancarte qui va, mille sept cents mètres et de la poussière plus loin, nous ouvrir un monde encore inconnu : «Terrones».

Ça descend un peu, ça monte un poil, ça tourne sans cesse et ça bringuebale pas mal ; nous progressons entre les encinas et les murs de pierres, puis débouchons sur une vaste plaine, verte et dégagée, bordée de douces collines boisées dont quelques-unes surmontées d’éoliennes : modernité à l’horizon, tradition à venir et vice versa. La première chose qui frappe le visiteur dévalant la pente en direction du hameau est l’imposante chapelle sise en éclaireuse dans le pré à gauche, isolée et visiblement délaissée. Et vu sa taille, «Terrones» devait grouiller de vie — avant —, ce qui ne semble plus vraiment être le cas aujourd’hui. Quant à son allure — l’architecte serait rien de moins que celui de la cathédrale de Salamanque —, elle donne l’impression d’avoir été construite pour résister aux attaques des Huns et des Vandales réunis. Tout comme d’ailleurs la grande, plate et remarquable bâtisse principale que nous venons lamentablement de dépasser, finissant notre course tout aussi lamentablement devant une masure peu accueillante. Marche arrière toute !

Malgré le faible espace vital à ma disposition sur la banquette de la deux cent sept, je réussis à me retourner — la voie est libre. J’ai eu le temps d’apercevoir brièvement deux silhouettes debout sous le toit du perron de la maison ; nous sommes attendus. Tandis que je cherche, sans arriver à poser la main dessus, le fermoir de la ceinture de sécurité, mes deux compagnons de route ont déja mis pieds à terre et salué nos hôtes. Ensuite tout va très vite… Délivré de ma ceinture, j’ouvre la portière, dégage ma jambe droite et m’apprête à sortir quand… «GGRRRRR !!!» Un monstre à quatre pattes, une hyène du Nigeria, la Bête du Gevaudan, un croisé montagne des Pyrénées-ours slovène surgit tel un éclair et m’attaque aussi férocement que lâchement — j’étais toujours assis dans la voiture ! «Cadena !», c’est la voix du maître qui vient au quite ; Cadena, c’est le nom du chien — enfin, si on peut appeler «ça» un chien ! Le maître ? À dire vrai, je ne connais pas encore le nom de celui qui vient de sauver ma jambe, mais appelons-le Domingo Navarro2. «Ça va Philippe ? s’enquièrent les collègues, mi-livides mi-rigolards. — Ça peut aller… Il est où3 ?»

Tout est allé en effet très vite, et inutile de préciser que j’ai, nous avons eu très peur. Pourquoi diable Cadena, équipé de son carlanca4, s’était-il rué vers moi et seulement vers moi avec tant d’agressivité ? Je ne sentais pas plus qu’eux le saucisson et le pâté ! Cadena rentré, j’ai vite pigé le pourquoi en inspectant, avec célérité et discrétion, l’état de mon pantalon et des manches de ma polaire. Le molosse type boxer, mâle qui plus est, de José Ignacio — de Charro de Llen visité juste avant — s’était copieusement essuyé les babines après. Des filaments de bave et de poils les recouvraient et l’odorat ultradéveloppé de Cadena l’avait conduit jusqu’à moi. Ses instincts de garde et de protection, transmis de génération en génération, et ce depuis des siècles et des siècles, faisant le reste.

Le redoutable Cadena venait de donner le «la» à une visite qui s’annonçait inoubliable ; et elle le fut.

La propriétaire des lieux se nomme Paloma Sánchez-Rico Clavero et son mari, qui l’accompagne, Rafael de Basterra de Lombardero. Il l’appelle affectueusement «Chichi» et elle, tout aussi affectueusement, «Rafa». Chichi a une classe folle, et tout chez elle respire l’élégance certes, mais l’élégance sportswear. Rafa a l’œil pétillant d’un enfant, et tout chez lui dégage bonté et gentillesse. Avec Chichi et Rafa, il serait plus qu’aisé de verser dans la chronique mondaine, genre Gala, qui, soit dit en passant, s’est déjà déplacé comme tant d’autres. Ce serait aisé mais y succomber serait commettre une grossière erreur, se méprendre drôlement. Comme si une fois à «Terrones», vous vous contentiez de visiter le cortijo, d’assister depuis son perron à un accoso y derribo et de vous repaître de canapés dans son salon tout en discutant mode et déco avec la maîtresse de maison ! Nous avons pourtant tout — et tous — essayé : l’un l’a questionnée sur sa magnifique coiffure, l’autre sur ses splendides bottes et le dernier sur le récent reportage, «El arte de vivir en "Terrones"», de Casa&Campo. Peine perdue. Elle n’a cessé, et lui avec, de nous parler toro, casta, trapío, bravura, sueño, tradición, campo et afición, encore et toujours. Ir-ré-cu-pé-rables ! je vous dis. Limite pénibles…

Sans attendre, nous montons dans le véhicule prévu pour la balade campera au cœur d’espaces infinis : une Mercedes Class A… Concernant ce choix aussi original qu’inadapté, ils nous donnèrent une explication que je n’ai pas retenue ou comprise — le contraire n’aurait rien changé à l’affaire. Chichi et Rafa sont dans une auto ; Rafa conduit l’auto et Chichi fait rien que l’embêter. «Attention à la branche, attention au trou, attention à la pierre, va doucement, passe par ici, pas par là, laisse-les tranquilles tu sais combien ils sont énervés en ce moment !» Énervés ils l’étaient les gameros caillés de Clairac et ils ne savaient plus comment nous dire de les laisser tranquilles : en se frictionnant à coups de cornes à contre-jour, en grattant la terre ou en croisant le fer, en beuglant comme des sourds, en se cachant derrière les chênes ou en se frottant le cou après, en montrant leurs derrières, en fuyant au trot, en balançant têtes et morrillos, en se retournant au moment où… Et m… ! On a fini par comprendre en écourtant le manège ; je soupçonnerais même Chichi et Rafa d’avoir été ravis par le tour que leurs protégés venaient de nous jouer. Qu’importe, le campo est beau, les toros sont beaux, les cabestros sont beaux, les chevaux sont beaux, tout est beau. La vie est belle. Chichi aussi.

Tout, et en particulier le poids écrasant de l’histoire, concourt à ce que soient élevés sur ces terres bénies des dieux des animaux au sang «prestigieux» ; on s’attend donc naturellement à du Domecq ou à de l’Atanasio, Campo Charro oblige, et on vous sert (logiquement) du… Clairac. Qui donc élève encore «ça»5 ?
Le mayoral — absent ce jour — ayant pris ses quartiers plus bas dans une des ailes du caserón, vous vous imaginez trouver son ancienne demeure attenante à la coquette placita de tienta dans un état de délabrement avancé, et vous découvrez, ô surprise ! un gîte tout confort où «el famoso burladero del tendido siete de Madrid» (Navalón) tient lieu de cloison entre la douche et les toilettes.
Et que dire de ce fer naïf et végétal ― la feuille à six pétales de Juan Contreras, 1907 ― que l’on retrouve représenté partout, absolument partout : sculpté dans le cuir des selles, des bottes et des sonnailles ; gravé sur les varas, les dossiers de chaises et au fond des cendriers ; peint sur le cajón de curas, des plats et une batterie de portes ; en céramique sur les murs en divers endroits ; et même, chose incroyable, incrusté au fer rouge dans… la peau des bêtes.

Il fut un temps pas si lointain où les matadors passaient l’hiver dans ce temple de la vie rustique qu’est «Terrones», afin d’y préparer la temporada, et la finca leur offrait toutes les commodités voire un peu plus : la chapelle pour prier ― compter le nombre de chapelets rencontrés dans la maison serait déraisonnable, et laisser la chambre du fiston à un jeune moine le meilleur moyen de lui faire quitter les ordres ―, la placita et le bétail pour toréer, l’écurie, les chevaux, et tout l’attirail pour monter, l’épatant « musée taurin » pour rêver, la confortable literie pour se reposer ― Primo de Rivera :-(( , Manolete :-( , et les frères Esplá :-) , entre autres, l’ont essayée ―, la bibliothèque pour lire et s’évader, la cheminée pour se réchauffer, le salon pour se détendre et recevoir, l’atelier pour peindre et dessiner ― comme quatre-vingts ans plus tôt Santiago6, un des frères Sánchez-Rico, Rafa possède un sacré coup de pinceau ―, le grenier à blé, la charcuterie et la boulangerie pour se sustenter, la calèche pour se promener, la cidrerie pour se désaltérer, les bois et les fusils pour chasser et, the last but not least, la forge pour forger. C’est bien ce que je disais, la forteresse «Terrones» pouvait aguantar sans soucis un siège des Huns et des Vandales réunis.

Rafa nous guide désormais en solitaire dans ce décor invraisemblable après que Chichi s’est absentée, en catimini. Il se fait tard maintenant, le temps se gâte, la fatigue pèse de tout son poids, «grrr !»… et l’imposant mâtin se montre de nouveau menaçant en cette fin d’après-midi grise et pluvieuse. De nos hôtes ô combien charmants il nous faudrait prendre congé — hein les gars, qu’est-ce que vous en pensez ? Partir avant que la gêne ne s’invite, avant que Cadena me bouffe un bras ! Partir en les remerciant du fond du cœur qu’ils ont énorme — je n’en dirais pas autant de leur chien… Partir en leur promettant de revenir — ce que nous fîmes dernièrement7. Mais on ne quitte pas «Terrones» comme cela, comme on décréterait de s’arrêter, en chemin et à l’improviste, jeter un œil chez Fraile — ce que nous fîmes en début de soirée. Chichi et Rafa n’ayant pas vu leurs «amis» depuis des lustres, il était tout bonnement impensable qu’ils ne les gardassent pas pour l’apéro, autour du feu, d’un verre de fino et de quelques «tapasses». Nous voici donc tous les cinq, «grrr !», pardon tous les six (!), en arc de cercle autour de la cheminée, à écouter, à sourire, à profiter pleinement de ces moments rares, à faire honneur à la légende «Terrones» et à ses intraitables gardiens. Chichi, Rafa, Cadena, Clairac… «Terrrrones», ah ! «Terrrrones».

Cela va sans dire mais je n’ai pas grandi dans ce milieu d’éleveurs de taureaux de combat, avec la conscience d’appartenir à une de ces grandes familles où la tradition dicte ses lois sévères et ses principes conservateurs, oriente toute une vie de prestige. Moi, issu d’un «autre monde», parce que je partage avec elles la belle passion pour le toro, j’étais à ma place auprès des gardiens de «Terrones».

1 Eugène Green, La Reconstruction, Actes Sud, 2008.
2 Vidéo du quite de Domingo Navarro à Séville (29.04.2008 - Toros de Palha).
3 Vous ne verrez pas Cadena ; il était bien trop risqué de lui tirer le portrait.
4 Large collier de clous censé protéger Cadena des agressions… des loups !
Antonio Peláez Lamamié de Clairac est décédé en début d’année et Miguel Zaballos n’a plus ses Clairac Mal tiempo para los gameros.
6 Lire le paragraphe «"Las señoritas de Terrones" : Carlota y María» dans Viaje a los toros del sol d’Alfonso Navalón.
7 Ce samedi 11 octobre 2008, Paloma et Rafael étaient chez eux, à Madrid, car leurs Clairac sortaient en recorte à Las Ventas.

En plus
— La galerie sur le site & une anecdote sur le blog.
— L’indispensable fiche élevage sur Terre de toros où vous pourrez lire, entre autres, un historique de la ganadería.

Images © Campos y Ruedos
«Terrones» et sa chapelle, que l’on aperçoit sur la gauche derrière les arbres Paloma par El Batacazo Un Paloma con cuajo Le même en recorte à Las Ventas : «Fue uno de los mejores concursos que he visto este año», dixit ToroAlcarria. La caste n’y fut probablement pas étrangère.

16 novembre 2008

Tour de force


Brive # Samedi 15 novembre 2008 # Stadium Amédée-Domenech # CA Brive Corrèze Limousin — AS Montferrand Clermont Auvergne # Nuit & frais # 17h54...

Il reste donc 6 minutes à jouer dans ce combat rapproché et tendu à l’extrême, ce derby exotique de l’ovalie hexagonale qui a débuté avec une partie de manivelles à l’ancienne, et qui s’est poursuivi dans la rudesse et le fair-play comme il sied au jeu de rugby quand il est pratiqué « dans l’esprit ».

15-16, avantage ASM en terre corrézienne dans l’antre des rugbymens de la cité gaillarde. Le « facteur »1 aficionado bon teint basco-landais M. Darrière a (encore) vu quelque chose, et ordonne une mêlée fermée avec (encore) introduction pour Clermont (ou Montferrand, c’est du pareil au même). Les sympathiques supporters « jaune et bleu », en bas à gauche de la « grande tribune », sont chauds bouillants et font sincèrement plaisir à voir : grimés, ils chantent, frappent sur des tambours, soufflent dans des trompettes, certains dansent — notamment un truculent et artisanal bibendum Michelin — quand d’autres rigolent. Nous, forcément, on fait un peu la tronche, d’autant plus que M. Darrière ne tend jamais le bras du côté où il faudrait, évidemment. Donc, introduction ASM sur la ligne des 40... Sur SA propre ligne des 40 et ça change tout ! Ben ouais, « ON » est chez eux (chez nous), MAIS ils ont l’introduction et le pack auvergnat, traditionnellement compliqué à bouger, c’est du lourd sur la bascule, jugez plutôt : 120 kg, 100, 113, 110, 117, 100, 109 et 100. Cent huit kilos et quelques grammes de moyenne, ça peut calmer certaines ardeurs, contrarier certains plans de bataille... Alors de trois choses l’une, soit ils se dégonflent ou s’endorment (ça ne s’est jamais vu), soit leur demi introduit le ballon dans les mauvais pieds (ça ne s’est jamais vu non plus), soit le « 8 » briviste rafle la gonfle sur introduction adverse (ça ne s’est pas encore produit en 74 minutes de jeu).

« Aaallleeez Brriiiveee !!! » qu’on gueule. « Puti ! Que c’est long ! Il attend un fax de Daxcle ou quoi ??? » qu’on rouspète...

Quinze mille paires d’yeux sont rivées sur ce bout de terrain — 12 mètres carrés environ —, les projecteurs semblent d’ailleurs n’éclairer que ces 12 mètres carrés-là, la ville s’est arrêtée, les oiseaux ont cessé de voler, les caméras du monde entier sont, c’est certain, braquées sur cette drôle de structure humaine polychrome et cosmopolite à trente-deux pattes cramponnées et 16 cœurs gros comme ça... WOOUUFF !!! Les deux packs sont désormais liés par leurs solides premières lignes ; la structure craque, tangue, fume, ondule — le ballon vient enfin de quitter les mains du 9 —, se déplace légèrement d’un côté et pivote à peine plus sensiblement de l’autre. Mille cinq cents « Jaunards » poussent avec leurs « gros de devant » et 13 500 « Cabistes » font de même avec les leurs... Le paquet d’avants « noir et blanc » — Capdevielle, Djoudi, Khinchagishvili, Short, Van Zyl, Vosloo, Popham & Claassen2 — fournit alors un effort titanesque à en déplacer une montagne ; et justement, voilà t’y pas que le volcan d’Auvergne gronde, se fissure, crache, se craquelle sous la puissance du magma en fusion, s’affaisse, se comprime puis se soulève, gémit, et commence à reculer et reculer encore sous la furia dans un boucan d’enfer ! Debaty3 « en chie » et plie, le talonneur rentré deux minutes plus tôt fait l’ascenseur, Zirakashvili perd par K.O. son duel face au frère caucasien, et tous trois, malgré un dernier baroud d’honneur, tombent lourdement sur « les secondes lattes » Privat et Cudmore qui écrasent, excusez du peu, Audebert, Vermeulen et Bonnaire dans un fracas épouvantable ! Le batacazo est dantesque, le poder du berrendo en negro corrézien majuscule4 et « Amédée-Domenech » exulte debout, en connaisseur, laissant éclater joie et fierté ; les « Jaunards » quant à eux, en bas à gauche, sont médusés, atterrés, refroidis et humiliés. Tristes car probablement défaits. L’échelle de Richter annonce « 6 » et M. Darrière « pénalité » pour le CAB comme ultime punition ; une pénalité qu’Andy Goode a le bon goût de transformer : 18-16.

Le lendemain, le quotidien local et régional clermontois La Montagne titrera pudiquement : Brive arrache le derby (voir l’image) et ne proposera aucun cliché du fait d’armes de la 74ème !

Le rugby a certes bien changé, mais qu’il est heureux de constater qu’une partie peut encore basculer sur une bonne vieille mêlée enfoncée...

1 Avec son maillot La Poste...
2
Citons également ceux ayant participé au long et précieux travail de sape : Henn, Thompson, Idieder le pilier de Saint-Palais :-), Browne & le capitaine Azoulai.
3 Le pilier briviste Pierre Capdevielle évoque dans le journal une provocation de Debaty au cours de l’arrêt de jeu précédant cette fameuse mêlée... Mal lui en a pris !
4 J’étais bien obligé d’y faire allusion sinon le post était censuré !



Image Tirée de la couverture fort diplomate et consensuelle de La Montagne © édition de la Corrèze du dimanche 16 novembre 2008. De gauche à droite : Idieder (au sol), Jacquet, Azoulai (chaussette droite baissée), les Irlandais Browne (partiellement caché) et Short plaqué par Lapandry, Henn (l’ogre barbu), Cabello (le 2) et Thompson devant Pic.
Franchement, nous gratifier d’une autre couverture, ça leur aurait fait mal aux dents aux Clermontois ? Vous avez aimé Midi Libre, La Provence, Sud Ouest, La Dépêche ou L’Indépendant, vous aimerez La Montagne ! M. Diogon, revenez ! y’a plus personne dans la maison !
Vidéo Canal+ proposée sur YouTube par « layatollah », ça ne s’invente pas ! Et ce n’est pas moi, il est Clermontois ! Deux moments d’anthologie dans ce résumé de 5:07 : une défense acharnée à 2:30 et, bien sûr, à 3:50... Chauvin, moi ? Vous rigolez...