28 février 2009

Ida y vuelta, correspondance flamenca (III)


On en aurait presque honte à force. Un peu comme ces sites à la petite semaine qui passent le plus clair de leur temps à vous expliquer qu’un ennui technique les a empêchés de vous diffuser leurs infos pertinentes pendant les quinze derniers jours, que leur connexion WIFI, que leur petite santé, que leur maîtresse, que la voisine, etc., etc. Tout est bon pour justifier de l’irrégularité, logique au bout du compte, à mettre à jour un site lorsqu'on a le courage et l’ambition de le maintenir tout seul. Eh bien moi, c’est un peu pareil. Régulièrement un fracaso numérique vient contrarier mon quotidien. Mon disque dur portable, l’an passé à Vic, mon disque dur tout court il y a quelques semaines. Du coup, envolé le texte que j’avais écrit à Ludo quant à la prestation de Luís de Almería... Envolées mes impressions volatiles écrites sur le vif. Je me souviens avoir évoqué la difficulté de Luis avec sa voix. Un Luís de Almería en manque de sitio, mais avec un timbre et une puissance malgré tout impressionnants. Et Ludo m’avait répondu ce qui suit.

Tu m'envoies, cher François, des photos émouvantes de la noche qui a rassemblé La Rubia, bailaora de Marseille partie à Jerez, et Luis de Almería, Luis de la grande famille des Cortés dont les ancêtres émigrèrent de la ville dont l'adage dit : "Quand Almería était Almería, Grenade était sa métairie." En contrepoint on imagine en disant cela quelle misère ont dû quitter ceux qui déjà à l'époque s'obligeaient au déracinement. Comme Brice Hortefeux n'était pas encore né, pour une partie des Cortés, la sortie du miroir (c'est l'étymologie arabo-andalouse d'Almería « l-mariyat ») s'arrêta à Marseille, via l'Algérie, pour une partie d'entre eux. À Port-de-Bouc exactement. Et Luis est l'aîné des enfants, le grand frère. Celui qui le premier hérita du précipité de chant profond qui irrigue la voix des cinq frères Cortés qui aiment avec démesure s'asseoir sur une chaise et fermer les yeux mais ne tombent pas, ouvrent la main qui part chercher le coeur qui bat sous la chemise blanche et l'offre en morceaux en ouvrant l'éventail de leurs doigts à l'assistance qui suit la sinuosité de leurs lèvres agitées par une petite houle qu'on perçoit habiter quelque part entre le ventre et la gorge. La Piriñaca, La tía Anica, gitane de tablier aux mains de vaisselle et au chignon de névé, disait « cuando canto a gusto, me sabe la boca a sangre ». Ce petit goût de sang, Luis le cherche encore comme à chaque fois. Hier, il l'a sans doute laissé venir quand derrière ses yeux clos il a peut-être aperçu l'image floue de la route entre Almería et Port-de-Bouc. La joie et la peine montaient des talus et des môles. Si tu le croises, dis-lui que j'ai pensé à tout cela en le voyant sur tes photos.