03 juin 2009

'Camarito', toro de Palha


Dimanche dernier à Vic-Fezensac deux toros ont été déclarés vainqueurs ex aequo de la corrida concours. La décision du jury est tellement empreinte de précaution, de politiquement correct, de sous-entendus, de ménagement de chèvre et de chou, qu’elle a alimenté et déchaîné de très nombreuses conversations, irritant les uns, amusant les autres.
Ici, à Camposyruedos, ce genre de polémique nous laisse généralement assez indifférents. Cette fois-ci les choses sont différentes car c’est de Vic dont il s’agit et qu’au-delà d’une grille de notation ce sont deux conceptions de la fiesta qui s’opposent ; deux conceptions qui n’ont rien d’anodines mais que le jury n’a pas eu le courage de départager. Ce prix n’est peut-être pas aussi anecdotique qu’il peut paraître de prime abord.
Avant d’aller plus loin et pour que les choses soient claires, je dois préciser que je n’ai pas la moindre idée de qui composait ce jury, ce dont d’ailleurs tout le monde se fout.
Palha - Victorino, Victorino - Palha… Les deux ex aequo. Ex aequo mon cul ! dirait Desproges.

'Camarito', de Palha, aura été un grand toro, émouvant, d’un trapío assez vulgaire à mon goût, volumineux, pas forcément bien fichu, mais construit comme il le faut « cuesta arriba » et avec le volume devant. Un toraco fait pour pousser, puissant, très puissant. Il gratta beaucoup et dut être sollicité longuement avant de s’élancer. De ce point de vue il ne fit pas étalage de la promptitude et de la vivacité d’un certain 'Garapito', de Palha lui aussi, combattu ici même en 1992, et dont le souvenir perdure.
En revanche, une fois dans le peto il poussa de la meilleure des manières, avec une rare puissance, avec une conviction peu commune, avec une bravoure rustique, et avec férocité.
Il n’empêche que ce toro restera pour moi un toro paradoxal, pas complètement compris. Car s’il poussa en brave, il fit également des choses de manso. Une chose est certaine, le positif l’emporta largement sur le négatif. Il n’est pas interdit de penser qu’avec une autre lidia le palha aurait donné encore plus de jeu au troisième tercio. Encore eut-il fallu lui épargner cette quatrième poussée visiblement inutile, puis le laisser respirer en cour de faena. Et probablement ne serait-il pas allé a menos.
Un détail a été soigneusement tue par les thuriféraires du toro de troisième tercio : la puissance et la durée des poussées de 'Camarito' et la façon extraordinaire qu’il a eu de s’employer, de romanear. Car ces quatre piques en valaient bien le double !
Ce toro était-il réellement brave, au sens de la bravoure « livresque » (je n'ai pas trouvé meilleur mot désolé) ? On peut dire que non.
Quelle était sa véritable nature ? Je ne saurais dire. Il avait des qualités, des défauts, mais il avait surtout de la personnalité, de la force, de la sauvagerie, de la caste.
Ce qui ne fait aucun doute, c’est qu’il fut un grand toro, un toro passionnant, un toro pour la grandeur de la fiesta, un toro pour alimenter les conversations d’une nuit.

Face au Portugais, un très civilisé toro de Victorino Martín. Un toro très bien fait, d’un trapío bien plus élégant et mieux défini que celui du palha, mais un toro miniature qui se cachait derrière ses cornes. Là n’est pas le problème. Le problème est que ce toro, malgré quatre rencontres avec la cavalerie, ne fut pas piqué. Il fut simplement « caressé », comme s’en est offusqué mon voisin du jour.
Ensuite il fut mobile et noble, ce qui est la moindre des politesses lorsqu’on vient d’être caressé. Il fut mobile et avec de la « claaaasse », mais Bolívar n’en profita pas et comme le victorino était trèèèèèès civilisé, tout le monde s’est ennuyé. Et ce toro soi-disant complet fut poliment ovationné à l’arrastre, sans passion. Il s’en alla ainsi, car il était à la vérité dépourvu de puissance, de sauvagerie, de piquant, d’émotion et… démerdez-vous pour compléter la liste avec tout ce qui apporte de l’émotion.
Ce victorino fut un toro en transparence, dont on devinait les contours, mais qui dans le fond n’avait rien de concret. Un victorino arachnéen, un Victorino évanescent, moderne, light, un Victorino de troisième tercio, bien policé, bien poli, bien élevé, et sans aucune aspérité. Ex aequo, ex aequo mon cul oui ! dirait Desproges...

NDLR – En cliquant sur la deuxième photographie vous remarquerez le cavalier, debout sur les étriers, vous vous attarderez sur la position trasera de la pique et les geysers de sang, probablement les blessures antérieures...