11 juin 2009

Joséphine Douet, photographe


Imaginez, une gonzesse, un appareil photo autour du cou, embarquer pour plusieurs semaines dans le coche de cuadrilla d’un matador de toros. Pas n’importe quel matador, José María Manzanares, "notre cher Manzanita".
Je vous vois bien là, en train d’imaginer. Un gros plan sur ses fesses par ci, un flou artistique sur son maniement de muleta par là, et quinze mille photos de toutes les vueltas ensoleillées qu’il a pu donner entre l’été 2008 et le printemps 2009. Vous imaginez, un truc joli ET d’actualité, un peu comme un journal de campagne. Un cauchemar oui. Eh bien non, vous n’imaginez rien du tout.
Pensiez-vous sérieusement que le site qui vous a présenté Michael Crouser, qui vous a un jour parlé de Manon ou de Jaydie Putterman irait se perdre dans les méandres kitsh des niaiseries d’un trop commun, dans lequel, j’en suis certain, les premières phrases de ce post vous ont immédiatement plongé ? Vous conviendrez qu’un malentendu peut parfois très vite arriver. Alors, reprenons, sérieusement cette fois.
Joséphine Douet est française, photographe de mode. Elle vit à Madrid et travaille, entre autre, pour Vanity Fair, Telva, ELLE, Rolling Stone, l’Officiel, et d'autres.
Joséphine, c’est vrai, a pris la route avec Manzanares, et a été le témoin très privilégié de ses pérégrinations, pendant de longues semaines. Elle a intégré ce monde, comme probablement personne ne l’a fait avant elle. Et le résultat photographique qui témoigne aujourd’hui de ces heures et de ce temps passés est assez fascinant.
Pour commencer, Joséphine a laissé de côté l’aspect glamour et glacé des photos de mode. Ne vous attendez pas à trouver dans ses photographies les codes des clichés publiés dans les magazines féminins.
Je vous avais confié, qu’à mes yeux, le travail de Michael Crouser était un sommet, une référence dans ce qui a été réalisé photographiquement sur la tauromachie. Le travail de Joséphine Douet constituera une autre référence, le genre de travail dont on se dit, dès le premier contact, avant même d’approfondir et d’y réfléchir : « Ah… là, y'a un truc. »

La vision de Joséphine, d’une certaine manière, c’est de l’anti Crouser. Mais n’allez pas chercher dans cette affirmation une idée faussement reçue ou un quelconque critère qualitatif, même pas une tentative d’ordonner les choses. C’est juste que ça n’a rien à voir et que les deux démarches sont dans le fond radicalement opposées.
Les prises de vue de Crouser sont très majoritairement réalisées en pleine lumière, en piste essentiellement, puis extrêmement travaillées au labo.
Le travail de Joséphine Douet, à l’inverse, quasiment en marge, touche à l’intime et se présente presque nu, dépouillé de trop de manipulations au post traitement. Une sorte de minimalisme photographique, un less is more pour aller à l’essentiel et au fond des choses. La simplicité pour émouvoir et témoigner, sans artifice.
Et c’est peut être de ce point de vue que la photographe prend un risque, celui de ne de pas s’ouvrir immédiatement au plus grand public, car nombre de ses clichés, pourtant très contemporains - ce lavabo a indéniablement des airs d'un tableau de Mark Rothko - sont sans concession à l'air du temps ou à une esthétique facile. Il ne s’agit pas de photographies taurines, il s’agit de bien plus que cela. C’est bien simple, la focale fétiche de Joséphine Douet est le 50 mm. Et ceux qui touchent, ou ont un peu touché à la photographie le savent bien, avec un 50 on ne triche pas. Il n’y pas d’artifice possible avec un 50, et pas d’autre porte de sortie que la réussite ou la poubelle, la porte de l’infirmerie ou celle du triomphe. Un 50 et tout est dit, ou presque. Ce travail, dont nous avons eu la chance, dès cet hiver, de pouvoir nous régaler d’environ quatre vingts clichés commence sa vie publique aujourd’hui même, à Alicante, avec l'exposition d’une trentaine de tirages.

La suite, se sera pour l’automne à Madrid, une autre exposition et la publication d’un livre dont nous vous entretiendrons évidemment. Pour l’instant deux liens utiles : Joséphine DOUET, Photography & José María Manzanares.

Et pour ceux qui auraient la chance de passer par Alicante :
Peajes, vida de torero /// Centro de Bellas Artes /// Plaza Quijano, 4 /// Alicante /// Del 11 al 30 de junio del 2009.