05 juin 2009

Un souvenir


João Folque de Mendoça, malgré les années, conserve sa trougne de môme et deux dents légèrement en avant. João Folque de Mendoça élève des toros de combat au Portugal. João Folque de Mendoça s’occupe et s’est occupé de la gestion d’arènes en France (Aire, Alès, Tyrosse…) avec plus ou moins de bonheur, avec plus ou moins de rigueur. João Folque de Mendoça est détesté, essentiellement pour cela, par une grande partie du mundillo français qui se colle de grands abrazos dans le callejón en écoutant jouer le « Se Canto » avant chaque paseo pour rappeler à tous le souvenir exsangue de cet observatoire souffreteux aussi risible que la mauvaise foi démontrée par certains à l’encontre de 'Camarito' de Palha. C’est lui le toro de la féria de Vic, car 'Camarito' a réussi à devenir en trois piques dantesques (plus une de tienta) ce que l’immense majorité des toros de lidia ne parviendront jamais à effleurer : un souvenir.
En 2009, la vacada portugaise laissera un autre souvenir, important, pour ceux qui ont assisté au calvaire intégral de la San Isidro.
Madrid, première arène du monde, Madrid cátedra del toreo. Un mois de féria, et rien. Rien jusqu’à Morante. Et après Morante, rien jusqu’à la corrida de Palha, et après Palha, rien. Juan Pelegrín l’a remarquablement mis exergue sur son blog.

Le mundillo Français n’aime pas João Folque, le mundillo espagnol guère plus. A l’ultime seconde de cette corrida madrilène, Israel Lancho porte une estocade qui devait le libérer de cet Himalaya trop haut pour lui et qui ne fut que le début d’un cauchemar qu’il pensait enfin terminé. Un coup de corne de cheval, qui aurait pu lui être fatal.
Lancho est amené à l’infirmerie. Quelques minutes plus tard, l’afición reconnaissante pour l'ensemble de la corrida demande au mayoral portugais de venir saluer.
Et c’est de là qu’est partie la polémique ibérique, inutile et déplacée. Le ton est donné par l’apoderado de Lancho. La suite est orchestrée par les portails taurins bodegueros, et accompagnée jusque dans les pages de l’ABC via la plume de Zabalita de la Serna. Indignes.
Le ganadero est traité de Moruchero portugés, expression aux relents nauséeux. Ceux-la mêmes qui le désignent ainsi à la vindicte populaire sont pourtant les mêmes qui ont apposé leur signature en bas d’un contrat pour gagner de l’argent et envoyer Israel Lancho se frotter à une corrida pour laquelle il n’était sans doute pas préparé. Ce sont ceux-là qui ont envoyé Lancho au casse pipe, pas João Folque de Mendoça.
Le mundillo espagnol ne doit pas aimer Folque de Mendoça beaucoup plus que le mundillo français. Les raisons en sont sans doute différentes. João Folque de Mendoça est un des derniers ganaderos, non pas romantiques, mais un des derniers à élever des toros qui ont une vertu dont le mundillo ne veut plus rien savoir et que seuls goûtent quelques aficionados, et encore pas tous : la force.
En 2009, 'Camarito' à Vic, et le corridón de Madrid pour la San Isidro resteront dans le souvenir des aficionados qui y ont assisté. Obrigadissimo Senhor Folque.
Laurent Larrieu & Solysombra