25 septembre 2009

Mou ! rou ! bé !


Murube ! Prononcer "mouroubé". Ça fait toujours son petit effet de le mâcher comme eux, la bouche fermée comme handicapée, en insistant bien sur chaque syllabe, un peu comme si elle pesait un double quintal la syllabe : « Mou ! rou ! bé ! »
Et question quintal, et barbaque, ça s’y connaît le murube, rectangle mal arrondi tracé grossièrement, noir tout entier, même l’œil il est noir, y’a que ça quasiment en boutique*.
La boutique, d’évidence, elle va mettre la clef sous la porte un de ces quatre parce que, vilaine rengaine, faut bien que ceux-là crèvent pour que ceux-ci respirent, s’étalent, se répandent. C’est la Loi, c’est comme ça, ça fout les jetons parce qu’on est un de ceux-là un jour. Et le murube, il est crevé ou c’est comme si, il sue le mal de tous les pores de son bide trop bas, il bave sa rage par les creux sombres de ses yeux mais il crève, en sursis, il agonise comme une civilisation, ce qu’il fut, il meurt là comme une courtisane oubliée que le corps abandonne un jour de grand beau temps, et qui pleure de ne plus plaire, maintenant, qu’aux souvenirs de ses amants d’avant.
Parce qu’être toro de lidia d’encaste Murube en 2009, pour sûr que ça renifle le sapin, l’encens, l’haleine du calotin ou celle des pissenlits à force de tendre le mufle vers le trou de balle de grands bourrins presque gymnastes, d’une potence aux relents de crottin. Pour un qui veut se battre, crever le nez dans la merde, c’est crever deux fois plus mais c’est crever quand même, y’a aucun doute.
Mou ! rou ! bé !
- « Le murube, il combat comme il sort. S’il sort bon, il sera bon tout le combat. S’il sort mauvais, il reste mauvais ! »
Il a lâché ça, sûr de lui, sans hésiter, droit et raide. C’est ça qu’il voulait dire. Le murube, il est comme ça, c’est pas autre chose, c’est bon ou c’est mauvais, ça finasse pas le murube, ça se prend comme c’est le murube, bon ou mauvais, noir tout entier, du rustre, du mal dégrossi, un bloc… et toc !

C’est tout ça qu’il a voulu dire, le mayoral, et on l’a cru qu’à moitié son histoire tout droit et raide qu’il était, tout sûr de ce qu’il balançait. On l’a cru qu’à moitié, comme si on avait été absent, à regarder dehors par la fenêtre, à rêver d’autre chose. Le murube, ça colle pas le rêve en plein hiver ! On l’a pas cru, ou alors qu’à moitié, mais c’est peut-être pour ça, pour ce qu’il racontait, qu’il expire le murube ou peut-être à cause de sa faiblesse récurrente ou peut-être aussi, va savoir, qu’il est entré dans le cercle trop grand de ces autres, ces ceux-là qui trimballent leur race jusqu’à la lie, dans la certitude de n’être déjà plus qu’ombre et poussière, ceux-là qu’on ne voit plus, ou presque plus parce que les modernes ont le vent en poupe et se répandent, mais qu’on aimerait bien voir demain parce que l’hiver, le rêve... Ça vaut un feu de cheminée !

* Le pelage noir est le pelage ultra dominant de l'encaste Murube. Cependant, il est possible d'y trouver aussi des castaños, des tostados et encore plus rarement des colorados. De même, il semblerait que certains élevages d'encaste Murube voient, de manière sporadique, surgir des animaux avec une partie du pelage blanc. C'est le cas en particulier dans la ganadería de La Castilleja (Cordoue) comme ce fut le cas aussi chez Niño de la Capea. A ce sujet, vous pouvez lire l'article paru dans la revue 6Toros6 en 2004 (n° 523), "Los murubes blancos".

>>> Retrouvez la galerie consacrée aux Murube de Castillejo de Huebra dans la rubrique CAMPOS du site. Et comme ces gens-là aiment la difficulté, ils élèvent aussi, sous l'appellation Sánchez Cobaleda, du Vega-Villar ainsi que du Santa Coloma (ligne Buendía) sous le fer de Terrubias. Vous trouverez également les galeries de ces deux élevages dans la rubrique CAMPOS ainsi que les fiches techniques de chaque élevage sur www.terredetoros.com.

Photographies Deux exemplaires de Castillejo de Huebra, 2009 © Campos y Ruedos