13 juin 2010

Dessine-moi un toro


La publication d'un post tient parfois à rien, ou plutôt à un faisceau de petits riens que vous vous efforcez de relier plus ou moins laborieusement : en ce mois de juin, vous retrouvez par hasard dans « [Vos] documents » un beau texte sur le scupteur et dessinateur anglais Henry Moore (1898 – 1986), mis de côté quelques années plus tôt ; vous découvrez sur Internet qu'une rétrospective lui est actuellement dédiée à la Tate Britain de Londres ; vous apprenez, grâce aux « 4 par 3 » qui ont inondé la ville, que le nouvel aéroport vous rapprochera grandement de la capitale anglaise à compter du 15 ; vous venez d'entendre parler, à la radio, de la célébration prochaine du 70ème anniversaire de l'Appel du Général et, enfin, vous ne manquez pas de constater, comme chaque année, que juin n'est décidément pas un mois taurin pour vous.

« Le grand sculpteur anglais a introduit dans nombre de ses sculptures monumentales ― couchées ou verticales ― l’audacieuse découverte du vide : allégées, elles sont traversées par la lumière. Le ciel, le paysage peuvent les habiter... En 1940, le Comité des Artistes de la Guerre lui commande un "reportage" sur la vie des Londoniens réfugiés dans les souterrains du métro de la capitale bombardée par l’aviation nazie. Ses visions ont été connues dans le monde entier. Fantômes endormis, pétrifiés : sur les couvertures des dormeurs et leurs visages blêmes, les alignements des briques semblaient poursuivre leur monotonie...
Trente-trois ans plus tard, après avoir, périodiquement, abandonné le dessin pour un travail d’esquisses en trois dimensions, Moore a repris ses carnets.
En 1972-1973, il a consacré aux grands Moutons de sa campagne d’Angleterre un album de dessins au stylo à bille. Les animaux à tête noire ― ceux qui ont assuré la réputation des laines anglaises ― n’y apparaissent pas comme timides, fuyants, ou grégaires. À demi-sauvages, ils fixent sévèrement l’intrus. À regarder attentivement leurs "portraits" ― tel le berger, l’artiste les identifie dans le troupeau ― on découvre avec émerveillement que Moore les a dessinés autrement. Lignes de brique pour les dormeurs des abris du temps du "
blitz". Fils de laine crépus, désordonnés, empoussiérés ; le stylo saisit la silhouette du mouton par sa toison comme un musicien crée une harmonie imitative. » Hubert Comte

À dire vrai, à relire ces lignes et à regarder les dessins de Moore, je ne peux m'empêcher de regretter qu'il n'ait pas eu l'opportunité, au cours de sa riche et longue existence, de sortir carnet et stylo entre Campo Charro et Andalousie ; nul doute que le campagnard du Hertfordshire aurait été fasciné autant par le regard insondable et les formes sculpturales des toros que par la vie rustique des hommes du campo.

Image Henry Moore & Kenneth Clark, Henry Moore's Sheep Sketchbook*, Thames & Hudson/© The Henry Moore Foundation, 2003.
* En cliquant sur le lien « See Inside » placé sous la couverture, pénétrez à l'intérieur de l'ouvrage...