09 octobre 2010

Con su permiso, don Joaquín


Par où commencer ?
Comment le prendre ? A la rigolade ? Au tragique ?
Au sérieux certainement pas.
Il y a quelques jours, invité par la fondation du Juli, Bernard Domb, plus connu sous le sobriquet de Simon Casas, s'est laissé aller à tenter de salir la mémoire de Joaquín Vidal : « L’aficionado spectacteur (sic) a le droit de critiquer. Mais toujours en aimant la Fiesta. Pas en la détruisant. Je vais être clair. Il y a un journaliste, qui a une plaque dans les arènes de Madrid, qui a passé sa vie dans le journal El País à dire des mensonges pour détruire la fête des toros. »
Faut-il en rire ou en pleurer ?
Dans l’absolu, en rire évidemment.
 Car, probablement sans même s’en rendre compte, Bernard Domb a insulté, pêle-mêle, Curro Romero, Rafael de Paula, Luis Francisco Esplá et même Joaquín Sabina si je me souviens bien. Excusez du peu.
Par contre, d’après nos sources, il semblerait que Carla Bruni-Sarkozy et Javier Conde aient été épargnés.
L’affaire n’est donc pas si grave qu’il n’y paraît.
Je vais vous raconter une anecdote, vraie évidemment.
 Lors de la dernière adjudication des arènes de Madrid, Bernard Domb, plus connu sous le sobriquet de Simon Casas, fit la tournée des popotes, comme un vulgaire politicien, qu’il fut d’ailleurs, éphémère, dans notre « pays de cons » (sic), serrant des mains, cirant les pompes de ceux qu’il méprisait hier et qu’il mépriserait demain.
Il la voulait tellement cette place qu’il s’abaissa même à vouloir devenir membre de l’association El Toro de Madrid. Simon Casas, membre de l’association El Toro de Madrid. Il paraît que le burlesque revient à la mode.
Le problème, c’est que pour devenir membre de l’association El Toro il faut deux parrains, et il n’en trouva aucun. Le burlesque a ses limites.

Maintenant, je vais vous raconter une autre anecdote, vraie également, cela va de soi.
Après la disparition de Joaquín Vidal, ladite association El Toro de Madrid édita un petit recueil, précieux et rare, d’une centaine de pages. Un hommage.
La couverture et la quatrième de couverture avaient été réalisées, gracieusement, par un peintre espagnol, Luis Francisco Esplá, qui à l’époque était aussi matador de toros.
Le livre fut présenté à Las Ventas, en présence de personnalités et de l’Afición. Salle comble.
A l’extérieur, alors que l’hommage avait déjà commencé, se présente un artiste, un vrai, pas un burlesque, un torero, Rafael de Paula — Rafael Soto en vérité.
Ne voulant pas perturber la cérémonie par une apparition trop remarquée, Rafael Soto attendit dehors, et envoya un ami lui chercher son exemplaire. Et il se retira, discrètement, son ouvrage sous le bras, avec la couverture peinte par le peintre Esplá. Con su permiso, don Joaquín.
Des anecdotes commes celles-ci, je pourrais vous en remplir des pages. Mais puisque les meilleures choses ont une fin et que les plus courtes sont les meilleures, en voici une dernière, très courte.
Il y a peu, un vieux banderillero à la retraite me disait la chose suivante : « Simon ? Directeur des arènes de Madrid ? Non. Je vais te dire une chose. Dans la vie, nous avons tous des ennemis, c’est normal. Mais lui, il en a trop. Il ne sera jamais directeur des arènes de Madrid. »
Le vieux banderillero a peut-être raison, peut-être pas. Je ne sais pas.
De toute façon, cette Fiesta est trop moribonde pour que cela signifie désormais quelque chose. Alors il se pourrait bien, au bout du compte, que nous finissions un jour par devoir en pleurer.

>>> Pour lire tranquillement Vidal, et s'en faire une idée, on peut commencer par se connecter au site des Fondeurs de Briques : Joaquín Vidal, Chroniques taurines, Les Fondeurs de Briques, 2010, 14 €.