27 décembre 2010

Crépuscule


Un ami blond, jadis aventurier, protestant et Nîmois me contait il y a bien longtemps l'excitation qui viendrait à naître d'une interdiction de la chose taurine à la surface de Vieux Continent : les rendez-vous secrets au campo pour des combats clandestins, des processions de voitures de nuit, feux éteints, un spectacle dépouillé, relevé par le sel de l'interdit et la rassurante idée qu'entre initiés et dans l'intimité d'une confidence, nous goûterions la plus pure essence de la lidia. A demi-mot, je le sentais chercher dans ces assemblées le fantôme du Belmonte de Chaves Nogales, les saillies de sa trogne éclairée à la bougie, la sueur scintillant à la barrière et le souffle du toro couvrant ceux des convives, expirant parfois dans des olés murmurés de contrebandiers les respirations tues des heures durant. Plus question de bruyantes envolées, de sonores abrazos, plus question de parler de ça, une fois revenu à la vie civile, une fois la lumière parue. Surtout ne pas se trahir. Rien que des pupilles écarquillées où se reflètent des flammes et des passes. Ou le blanc d'une corne. Une guérilla d'ancien régime. Et l'impudique silence qui tente de percevoir le dernier soupir d'un monde mourant. Et puis des traîtres, des délateurs bien sûr : vieux idéalistes revenus de tout, vendus à l'appât du gain ou piégés par les flics.
Tapis dans les ténèbres, attentifs et inquiets, vous n'imaginez dans la pénombre que des toros braves et noirs. Dangereux. Bien sûr, vous exigez de vraies terreurs !