01 décembre 2010

UVTF (2)


Notre ami Laurent Giner, ancien président de l’ANDA., était le dimanche 27 novembre dernier à Beaucaire, pour l’assemblée annuelle de l’UVTF. Récit.

Retrouver l’Union (voire la désunion, c’est selon) des villes taurines françaises une fois l’an, c’est un peu comme regarder l’École des fans ou les enfants jouer dans une cour d’école. Rien n’y est vraiment sérieux mais tout le laisse paraître. C’est certainement le seul moment de l’année où l’on peut oublier que toreros et apoderados sont les véritables chefs d’orchestre du milieu taurin.
Orthez reproche à Bayonne de prendre « ses dates ». Bayonne rejette la faute sur Mont-de-Marsan, qui argumente qu’Orthez doit retrouver ses dates originelles. Tout va pour le mieux dans le Sud-Ouest : heureusement qu’il y a une association d’organisateurs...
Que le Sud-Est se rassure, dans le même style, nous avons aussi Tarascon, St-Gilles et Maugio.
Personne à l’UCTL ne s’était déplacé pour défendre le cas Miura. Les ganaderos se sont donc fait excuser.
La FSTF a joué son rôle de trublion et les Ricard ont clairement spécifié qu’ils n’étaient en aucun cas solidaires des premiers. Il est vrai que pour donner un prix aux cinq piques et demie des Margé de Palavas, ils ne peuvent être solidaires que d’eux-mêmes.
L’AG a donc commencé en présence de tous les membres et des aficionados locaux.
Le maire de Beaucaire, aficionado de longue date, rappela à l’auditoire qu’un arrêté municipal avait été pris, il y a peu, afin d’interdire la prestation de Jean Servat antitaurin déclaré.
O.K. pour le coup de gueule. On a le sang chaud dans le sud, mais bon...
Si nous devons interdire tous ceux qui ne pensent pas comme nous question toros, nous pouvons l’étendre à la religion, la politique...
Heureusement, Madame de Fontenay (anti elle aussi déclarée) et ses Miss étaient passées en ces lieux juste avant... Là, pour le coup, je n’y comprends plus rien.
Je vous épargnerai les différents discours sans importance et autres votes à l’unanimité pour ne retenir que les résultats d’analyses de cornes et la présentation de la peut-être future nouvelle pique.
Les analyses de cornes version 2010 ne pouvaient être aussi ridicules que celle de 20091 :
— 6,06% des toros analysés s’avèrent positifs sur deux cornes (Domingo Hernández, Miura, Margé, Puerto de San Lorenzo) ;
— 7,58% sur une corne.
Comme aime le rappeler le Gérard Bourdeau2, la tolérance du 1/5 au lieu du 1/7 est énorme. Combien de pitones passeraient ce contrôle ?
Si l’on doit rajouter aux 4 toros positifs, les 26 certificats d’arreglado légaux, nous sommes loin des 6 petits % du départ.
Bref, grâce aux analyses et à l’UVTF, la situation s’améliore, c’est vrai. Mais des gradins, ce n’est pas aussi clair !
On me reprochera certainement de voir trop en noir. Une chose est sûre, tout n’est pas bleu. Loin de là.
La vraie nouvelle du week-end sera la "pique française" imaginée par Alain Bonijol. Ce gars est une mine d’idées novatrices. Même s’il ne fait pas l’unanimité (chez votre serviteur en premier), sa façon d’aborder les problèmes et d’y trouver une solution m’épatera toujours.
Sa pique (voir photo) est aussi longue qu’une pique andalouse mais plus fine, plus effilée, sans cordes.
Sa préoccupation première a été de comprendre les attentes des picadors et de solutionner leurs principales craintes. En les impliquant dans son projet, Bonijol a peut-être évité la levée de boucliers de cette corporation, par toujours facile à manoeuvrer.
Bonijol affirme qu’un picador qui rentre en piste, pense avant tout « à mettre les cordes » et faire saigner.
Sur une pique normale, la partie en corde est plus grosse en diamètre que la pyramide saillante. Elle freine la pénétration de la puya. En effilant sa pique et en supprimant les cordes, elle pénètre mieux.
Le picador peut alors se concentrer à l'« arte de bien picar », positionner correctement son cheval, lancer le palo, mettre la pique dans à la base du morrillo, faire pivoter son cheval et ouvrir la sortie.
De plus, je cite : « les toros monopiqués pourront être renvoyés plus facilement au cheval pour une seconde rencontre. »
J’interprète : « tout le monde pourra ainsi croire que les invalides qu’ils ont sous les yeux sont de vrais toros puisqu’ils vont deux fois au cheval. »
J’exagère vous croyez ? Si peu !
Lorsque sort du toril un vrai toro, avec de la force, plus personne ne se pose de questions existentielles sur la pique. Comme quoi, il y a bien deux tauromachies.
Avant cela, l’UVTF, par l’intermédiaire des vétérinaires, devrait analyser des corridas entières piquées pour moitié avec une pique classique (voir andalouse) et pour moitié avec cette vraie nouveauté.

Une fois passée la curiosité d’une nouveauté et la satisfaction de constater que certains réfléchissent, imaginent, inventent, des questions peuvent venir à l’esprit.
Si la pique pénètre plus facilement lorsqu’elle est bien placée, en sera-t-il de même si elle est mal placée ? À la vue du petit nombre de piques bien positionnées tout au long de la temporada, ne faudrait-il pas d’abord apprendre au picador à viser au bon endroit ? Et sans doute changer les mentalités...

Certains vétérinaires, amoureux du toro moderne, veulent comparer les résultats d’analyses post-mortem de cette pique avec ceux de Madrid 1998 (donc une pique normale). Ce serait, je pense, une grossière erreur. La pique madrilène est plus longue mais, surtout, les premiers tiers de Las Ventas sont loin d’être des références. La raison principale en est le toro. Ce sont, avec ceux de Bilbao et de Pamplona, les plus gros, les plus grands et les plus pourvus en cornes. Ceux sont ceux, qui reçoivent les plus gros châtiments avec les piques les plus en arrière, donc les plus destructrices. Aucun demi-toro de Nîmes, Dax, Arles, Mont-de-Marsan n’a reçu cette année un châtiment aussi appuyé que ceux que nous pouvons voir régulièrement à Madrid.
Comparons ce qui est comparable et faisons les analyses chez nous avec nos demi-toros et nos demi-picotazos. Nous verrons bien si les dégâts causés par les piques sont si importants que cela.

En ce qui concerne le marché français, si cette pique voyait sa légalisation, le monopole espagnol des puyas changerait de camp. Les appels d’offres concernant les cuadras de caballo n’auraient plus le même contenu. La tauromachie française s’impose petit à petit. Bien vu M. Bonijol.
Et en ce qui concerne l’intérêt de l’aficionado amoureux du vrai toro, il faudra attendre les résultats post-mortem avant de se réjouir. Pour ce qui est des novillos « pégapasés » par les vedettes, ce n’est pas cette pique ni une autre qui leur donnera la force qui leur manque. Elle aidera, dans le meilleur des cas, à cacher la misère actuelle du premier tiers.
Laurent Giner

1 Deux paires de cornes avaient été analysées positives mais Arles avait déjà fait ses emplettes à "Zahariche".
2 Président de l’Association française des vétérinaires taurins (AFVT).

Photographie La pique française (à gauche).