09 juin 2011

Toros y peones


En 1995, sous le titre « La Lidia » et la direction de Joaquín Vidal, El País publia une série de quarante-deux planches illustrées passant en revue l'histoire de la tauromachie et tout ce qui va avec : toros, arte de torear, lidia, et cætera.
Pour la planche intitulée « Primer Tercio », le regretté critique taurin rédigea un texte aussi rare que nécessaire dans lequel il se désolait, notamment, de l'abandon par les peones du toreo « à une main ».

Traduction... "libre" « Le toro sort avec la force et la vigueur propres à sa caste, et la cuadrilla se doit de le fixer dans le terrain de la lidia. Les trois peones l'appellent successivement depuis leur burladero, et le troisième l'oblige à se retourner. Le peón de brega, qui s'est avancé jusqu'à la raie, arrête le toro à l'aide de sa cape, le cite à une main et conduit sa charge en lui faisant faire une première volte-face.
A ce moment précis, le président ordonne l'entrée des picadors. Le peón embarque le toro dans des séries de capotazos larges et précis, puis change sa cape de main dans le dos et guide le toro jusqu'aux planches à la pointe de la cape et à une main. Déjà présent, le matador intercepte le toro avant qu'il ne remate, et le "véronique" jusqu'au centre du ruedo. Cette manière de faire a un objectif : en amenant ainsi le toro au centre, on laisse le champ libre au picador occupé à prendre place. Cet ordre dans la lidia, "étalonné" durant des siècles, quelques présidents irresponsables l'ont remis en cause au cours des années 1970 en décidant de laisser entrer les picadors une fois la prestation à la cape du matador terminée. Et les conséquences négatives ne se sont pas fait attendre : les peones ont cessé de toréer à une main ; les matadors sont devenus les seuls à faire des passes de cape lors du tercio, et la lidia s'est interrompue jusqu'à ce que les picadors soient prêts à intervenir. Les cuadrillas occupant tout ce temps mort à amener le toro vers un burladero éloigné, puis à le ramener...
Pour les cuadrillas, c'est devenu beaucoup plus confortable : aucun peón n'exécute plus cette émouvante suerte consistant à fixer et à faire courir les toros à une main ; suerte qui permettait, en outre, de pouvoir apprécier ses aptitudes — sans nul doute une avancée professionnelle de la corporation des peones qui évitent ainsi de faire trop d'efforts. Il est bien évident que, par la suite, ils gaspillent leurs forces à crier au matador durant la faena : "¡Tocále, pónsela, vámonos!", qui ne sont rien d'autres que les canons de la nouvelle tauromachie. »
Joaquín Vidal

Image Depuis le callejón (...), un toro de D. José Escolar Gil à Vic en 2010 © François Bruschet