18 septembre 2011

Du mou sur du dur


Cette année, j’ai décidé de ne pas aller voir José Tomás malgré l’admiration que j’ai pour lui. Lubie personnelle. Pas envie, pour diverses raisons. Cette année, j’ai envie de sauvagerie, de violence, de brutalité, d’autre chose, de marginalité, de coins paumés.
Résultat des courses : moins de 15 au compteur.
Mais comme j’adore Tomás, ce dimanche 18 septembre je branche la radio.
Il faut que je vous fasse une confidence. J’adore écouter les corridas entre les ondes sur France Bleu Gard Lozère. Écouter entre les ondes comme on lit entre les lignes. Je suis toujours étonné des sourires et des éclats de rires que ça peut me procurer.

Donc, aujourd’hui, journée, ou plutôt matinée importante avec José Tomás.

Premier toro (confirmation de Dufau), premiers commentaires, à froid. C’est toujours difficile les premiers commentaires à froid.
— Ah, le toro a glissé...
En "arrière-son", on entend que ça commence à protester. Palmas de tango comme à Madrid. Paul Coulomb (agaçé) :
— Le toro a glissé.
On entend bien la claque dans les gradins maintenant.
— Ah ! Y a toujours des gens à cran !
On le sent très énervé le Coulomb, très disposé à vite s'agacer et vitupérer contre une partie de ce public de merde qui fait rien qu’à ne pas aimer Casas, son idole, son boss, paraît-il.
Son complice, YL, semble plus lucide, moins impliqué :
— Il faut le changer ce toro ! Vite ! Il ne tient pas.
— Oui ! Il faut le changer très vite ! Ce n’est pas assez vite, ça ! Allez M. Valade !, s'emporte Coulomb.
Vous remarquerez, en trois demi-secondes, le retournement de veste impressionnant. S’adapter à la situation, aux circonstances. Pas évident. C’est un métier, un état d’esprit. Ensuite, nous avons droit à une analyse scientifico-philosophique sur la présence perturbatrice de sciure en piste. Car cette nuit la pluie est tombée. Alors ils ont mis de la sciure. Mais trop visiblement. Et ça perturbe les toros qui glissent. Moi, je serais le préposé à la sciure, je serais, à cet instant précis, dans mes petits souliers. À quoi ça tient tout ça... Un sac de plus, un sac de moins, et c’est la merde... Et ça tombe le jour de José Tomás ! Etait-il conscient de ça le type qui a étalé la sciure ? On se le demande ; on ne saura jamais. Mystère dans le sillage de José Tomás... C’est dingue à quoi ça tient, tout de même. Donc, le toro aurait glissé dans la sciure. Putain de sciure ! Indignez-vous contre la sciure qui fait glisser les toros !
Et il glisse tellement, le toro, qu’on finit par le changer.
— C’est quoi, Paul, le sobrero ?, s'enquiert YL.
— Aucune idée, on nous a pas donné le petit papier. Je sais pas. Ça doit être un Jandilla aussi. (Bonjour l’info sur le service public...) Ah, voilà le panneau. Non, c’est pas un Jandilla, c’est un Palardé (sic).
— Bon, ça crie. Sans doute pour les parapluies.
— Voilà le toro. Il entre, lentement, petit.
Là, l’auditeur est troublé. Même plus besoin d’écouter entre les ondes. On se dit que ça doit craindre. Quelques instants plus tard :
— C’est vrai que la piste pour les toros elle va les gêner. C’est du mou sur du dur...
Du mou sur du dur : nouveau concept.
— C’est très très meuble. La piste est très très meuble par moment.
Je pense qu’il voulait dire "par endroits", à moins qu’elle ne soit meuble de manière éphémère. Ensuite, on apprend que le picador dans la sciure ne pique pas.
— Le toro ne tient pas sur ses pattes.
— Eh non ! Il ne peut pas. Ça glisse !
Tercio de banderilles. Sifflets en "arrière-son". On suppute que le toro a trébuché.
— Je ne comprends pas le banderillo (re-sic) !, s'exclame Coulomb.
Le toro non plus, sans doute, ne le comprend pas... Putain de sciure, putain de pluie, putain de banderillero. Plus besoin d’écouter entre les ondes : le toro écarte les jambes pour tenir debout ; la faena va être brève. C’est du Dubout ! C’est dur le mou sur du dur !

Quelques instants plus tard arrive José Tomás. Là, on les sent emmerdés. C’est bon la faena. Évidemment c’est bon, c’est Tomás, donc c’est bon. Mais on sent bien que ce n’est pas génial non plus. Donc on les devine ennuyés. Subitement l'entre les ondes se brouille. Tomás tue. Ils sont vraiment ennuyés. Une oreille, oui une oreille, peut-être deux si le public le veut. Ils ne savent pas jusqu’où ce public peut être démagogique. Ils ne parviennent pas à deviner la suite. Ils osent quand même avancer que ce n’était pas un grand moment, alors, bon, une oreille ce sera bien. Il faut bien dire quelque chose. Mais le public (très con à Nîmes, il faut bien le dire) en veut et en obtient deux (c’est pas difficile ici). Et là, retournement de veste et éloges à gogo tues pendant la faena mais déballées après l’octroi des deux oreilles.
Gliiiiing. SMS sur le Iphone. C’est mon frangin : "2 oreilles, petite forme, pas de profondeur."
Deuxième toro de Tomás, deuxième SMS du frangin : "Toro faible, faena à mi-hauteur, rien d’exceptionnel."
À la radio, c’est la deuxième oreille qui est annoncée : la Porte des consuls.
Coulomb fulmine déjà après ceux qui vont trouver ça excessif, toutes ces oreilles.
Argument suprême : "Il a fait le bonheur de nombreux commerçants ici."

Je vous le dis. C’est dur du mou sur du dur.