17 octobre 2011

Balada Flamenca


Ce jeudi 20 novembre sortira officiellement le bébé de l’ami Ludo, sa Balada Flamenca. Nous en reparlerons, évidemment, lorsque nous l'aurons en main.
Pour l’heure, Ludo nous offre cet extrait sur Rocío Molina avec la photo de son compère Jean-Louis Duzert.

FRAGMENT, Rocío Molina
Quand on aperçoit Rocío Molina pour la première fois, on est sidéré par sa plastique. Elle paraît née du pinceau de Diego Velázquez qui aurait fait voler les jupons et ses arceaux. Car si Carmen Amaya osa le pantalon — non pas celui du boléro, mais le masculin, droit, austère, pli impeccable tranchant dans le vestiaire des bailaoras — Rocío Molina suspend robe de cuir et bikini sur les cintres d’une présence presque chimique : elle semble le précipité de sa propre technique, élevée à sa plus haute expérimentation. Mais elle n’en joue pas. Au contraire, elle poursuit le sens nécessaire pour que la forme impitoyable qu’est l’apprentissage de la maîtrise des codes métamorphose en sensualité la jonction de ses doutes, de sa mélancolie, de son rapport à l’altérité. De fait, dans le miroir contemporain qu’elle nous tend, elle paraît inclassable : une énergie transcende la lumière intérieure qu’elle projette pour mieux accéder aux valeurs du temps qui passe. Sa force défie les équilibres, et, acrobate, intègre la patine des écoles classiques, toute l’histoire de la danse flamenca, à une démarche qui embrasse les horizons d’autres espaces.
Sur scène, Rocío allume un cigarillo et souffle la fumée ; elle suit les courbes des volutes qui soulignent, mieux qu’un braceo alambiqué, sa liberté et son ingénuité puisées au flamenco minéral et ancestral. Elle pense — peut-être — vouloir connaître « autant de figures de danse / que la mer dans la nuit a de flots orageux »*.
Alors, inspirée, elle repart. Rocío danse avec son destin.
Ludovic Pautier

* Alexandrins de Phrynichos, dans une traduction de Marguerite Yourcenar.

>>> Jean-Louis Duzert (photographies), Ludovic Pautier (textes), Balada Flamenca, Éditions de l'Atelier in8, 2011, 216 p., 30 €.