07 octobre 2011

Jovens però valents


Les trois toros ont été embarqués dans ce corral, au milieu de rien.
Il y a des mois qu’Albert me parle du jabonero de Mariano Sanz. Il en rêve Albert de ce jabonero.
Les trois cajones arrivent, en camion, à La Pobla de Farnals. Il sont ensuite tirés par un petit tracteur, attachés les uns aux autres, accompagnés par la fanfare et les jovens i valents qui chantent, dansent, boivent.
Dans les cages les toros tapent, bougent, cognent.
Ça me fait déjà peur... Je me demande pour quelle raison et par quel miracle cette cage résiste à tant de folie furieuse.
Un museau dépasse, de la bave coule. Un bout de corne par-ci, un museau par-là. Le souffle chaud. Mugissements. C’est déjà puissant. Ça bouge. Ça fait déjà peur.
La fanfare joue fort, les toros cognent fort. Ici tout est fort.
Un des toros s'est retourné dans sa cage. Comment ? Personne ne le sait. Mais c'est l'évènement. 
Comment un tel animal peut-il parvenir à se retourner dans si peu d'espace ? Et sans pulvériser cette foutue cage ? Mystère. Ça fait parler. 
Albert se crispe. Albert change, se raidit. Il m’avoue son stress et son angoisse subite.
Ces toros, il les a choisis voilà des mois. Aujourd’hui, c’est l’heure de vérité.
Albert, au fond, n’y est pas pour grand-chose, mais les toros seront bons, ou pas, et c’est pour dans quelques minutes. Albert se ferme, pour quelques instants.
L’enjeu est de taille pour les jovens i valents, car ce n’est pas rien d’organiser ces instants, cette journée.
Il y a là du travail, des heures de travail, et de l’argent aussi.
Il y a l’assureur à payer, l’ambulance, le sable qu’il faut apporter puis enlever, et les toros évidemment.
L’afición a un prix. Être membre des jovens però valents, c’est une cotisation de 600 euros par an. 600 euros dans ces contrées touchées peut-être plus qu’ailleurs par la crise et le chômage, ce n’est pas rien. C’est même énorme.
Le bous al carrer ça se mérite ; la camiseta bleue, on ne la porte pas comme ça. Assister au spectacle juché sur un cajón ça se mérite, réservé à ceux de la peña, pas tous. Tout le monde ne va pas aux corrals assister à l’embarquement. Alors oui, je mesure tout l’honneur qu’ils m’ont fait de m’accueillir comme ils l’ont fait, de me monter sur le cajón, insistant pour m’offrir la meilleure place, alors que je préférais rester en retrait, pour me régaler de les voir aimer le toro comme ils l’aiment : fort.
Ici tout est fort, authentique et véritable. Le toro est respecté, adulé, admiré, rêvé, désiré, discuté, commenté, jusqu’au prochain.
L’Afición d’ici ne sera jamais à la mode. Les mondains ne viendront jamais à La Pobla de Farnals, ni au Puig ni à Massamagrell.
Mais l’afición et les toros d’ici sont authentiques et populaires, seuls véritables remparts face aux "antis" et à la prohibition. Peut-être...