03 mai 2012

Trop


André Floutier ‘Fritero’ à Aire-sur-l'Adour, 1er mai 2012 © Laurent Larrieu/Camposyruedos.com

Il m’a lancé : « Avant que je rentre là-dedans ! » Il a pris la pose tout de même, sans regarder l’objectif. Je lui ai dit que c’était bon, qu’il restait un peu de marge. Il a souri et a tourné les talons pour préparer ses piques.

André Floutier est une gueule. Un Gabin du tercio de piques. Rien à ajouter. Pas besoin d’en faire des tonnes, il est là.

Hier, j’ai vu André Floutier piquer un novillo des Héritiers de Chritophe Yonnet et l’âge a beau avoir grisé sa queue de cheval, il fut le meilleur dans cet exercice. Pour être juste faut-il préciser que la concurrence était six divisions en dessous, au choix une équipe de cadets connaissant à peine les règles du jeu ou au contraire un club de vieux briscards aigris de n’avoir pas fait carrière et se vengeant sur des novillos déjà écœurés par la « statufication » de chevaux inaptes à mettre en valeur un quelconque tiers de piques.

N’allez pas croire que la course fut bonne. Le lot de novillos des Héritiers de Christophe Yonnet a plutôt déçu, par son manque d’allant, d’envie, de combativité, qu’il n’a plu. La faiblesse était aussi de la partie pour ne rien arranger. Cependant, je ne peux m’empêcher de croire qu’avec des professionnels dignes de ce nom, deux ou trois d’entre eux auraient pu faire étalage de qualités autres. La palme de l’inconvenance revient au picador Riboulet qui a proprement tenté d’assassiner le dernier novillo de sa consœur Francine Yonnet. Comprenne qui pourra.

André Floutier a donc une gueule. André Floutier n’a donc pas besoin d’en faire trop ni d’épater la galerie. Les trois novilleros du jour n’ont pas regardé assez attentivement la gueule d’André Floutier avant le paseíllo. Je comprends leur envie de toréer, leur envie de profiter du peu de contrats que l'on peut leur proposer, mais le mal est plus grand quand chaque faena ne se conçoit plus maintenant qu’avec un minimum de cent passes, et ne s’entame plus que par l’incombustible derechazo aidé. De cette production pensée pour toréer des bestioles formatées ne découle qu’ennui et perdition de la lidia. Mathieu Guillon en fut hier le meilleur exemple. Il s’apprête à prendre l’alternative à Mont-de-Marsan en juillet alors même que la notion de distance lui est inconnue. Son obsession est de faire des passes et quand l’animal nécessite d’être au préalable dominé, cadré, dirigé, conduit (son second adversaire), l’obsession laisse la place à un abandon coupable : la preuve d’une incompétence inquiétante avant son rendez-vous de juillet.

En faire trop, trop long, trop chiant, trop pareil, trop vide, trop… trop. Les trois novilleros en firent trop dans le trop mal (et leur cuadrilla ne fut pas en reste) : Guillon qui voudrait être déjà grand, Gomes qui veut toréer sans savoir porter une estocade et Castañeda qui se comporte déjà comme s’il était arrivé au sommet, refusant même de planter les palos à son dernier adversaire.

Fritero, puisque c’est ainsi qu’on le surnomme, n’en a pas trop fait hier. Il a à peine piqué un faible Yonnet, il a à peine râlé. Il a été une gueule. Une vraie gueule : un torero. C’était le seul hier.


>>> Retrouvez une galerie consacrée à cette novillada sur www.camposyruedos.com, rubrique « Ruedos ».