22 septembre 2012

Pour pas un rond


André Amaro se la joue pour pas un rond, pour presque rien. Cent, deux cents, à peine plus, parfois rien. Même pas les frais pour l’essence et les péages. Ne surtout pas oublier les péages. Et il vient de très loin André. Il vient du Portugal, d'Aldea del Obispo, le village de l’évêque. Je ne sais pas de quel évêque, parce qu'Aldea del Obispo est tellement au milieu de rien que je ne vois pas ce qu’un évêque pourrait bien foutre dans ce trou. Et puis, Aldea del Obispo, j’étais persuadé que c’était côté espagnol, et pas au Portgual.
Aldea del Obispo, c’est à côté de Fuentes de Oñoro, là où Navalón avait ses toros, là où il faisait le zouave dans des tombes sans âge. 

Pourtant, André m’a bien dit qu’il habitait à Aldea del Obispo… Portugal. Peut-être qu’il y en a deux, collés, un de chaque côté de la frontière. Un village à partager, comme pour Barrancos plus au sud. Je n’ai jamais fait vraiment attention.
Navalón habitait là, côté espagnol, juste après la grande route, juste après Ciudad Rodrigo. C'est à peu près tout ce que j'en sais.

Quelques kilomètres plus avant, il y a La Fuente de San Esteban et le restaurant El Cruce. Tous les types qui font le campo connaissent ça. Dans le coin habite Lucas, le mozo français de Juan del Álamo, et aussi Vicente Llorca, « el ganadero que no llegó a serlo »… Enfin, il l’a été, pas longtemps, et il ne l’est plus. Vicente a dû se pincer en me voyant au Cruce en plein mois d’août, direction Porto, Portugal.
À Porto, il n’y a aucun doute, rien à partager, rien à couper en deux, il y a juste l’océan à prendre en pleine poire.

À Aldea del Obispo, je ne sais pas. Ce qui est certain, c’est qu'à cet endroit vit André Amaro, côté portugais. Et c’est de là qu’il a pris la route début septembre, direction Arles, pour se la jouer, pour rien. André n’est pas un cas, ni une exception ; tous les recortadores se la jouent pour pas un rond. 

À Arles, ce soir de septembre, entassé avec les autres dans le vestiaire des arènes, André était le seul à aligner de petites boîtes en plastique abritant ses vierges. Il en avait trois et se les passait autour du coup après les avoir embrassées longuement, leur avoir confié ses secrets et probablement son corps. Des vierges, portugaises sans doute, Fatima peut-être…