25 janvier 2013

Le noir et blanc vous va si bien


Le noir et blanc vous va si bien, Maribel, et qu’importent les années… Le noir vous allait si bien, hier, quand il s’agissait de manipuler, de dominer ou bien encore d’empoisonner ; et le noir de vos cheveux, comme celui de vos lèvres — pur objet esthétique qui n’a nul besoin d’embrasser pour conquérir —, et le noir de vos pensées et complots ; le noir et blanc vous va si bien dans le Buenos Aires de carte postale et le Séville des années vingt, dans la prévenance et la perversion.

Cela vous étonnera-t-il, Maribel, de savoir qu’un jour de longue novillada de Moreno de Silva à Las Ventas la première chose qui me vint à l’esprit, quand Ugo me présenta son ami acteur, fut de lui demander s’il vous connaissait ? Le noir et blanc vous va si bien, Joaquín, quand vos novillos sont légers et vifs, prompts à la charge et combatifs en diable, quand ils ont trop à donner et à comprendre pour les toreros. Noir, blanc, cárdeno, qu’importe… Je me souviens de ces ports altiers et de ces mufles effilés de mantes religieuses querelleuses et rusées. Les novilleros, eux aussi, pensaient à vous, Maribel, tapie dans l’ombre de la chambre, digne de connaître les faiblesses et les échecs ou d’entendre les trois avis. Vous étiez ce rempart, cet arc-boutant contre tous les excès du désespoir, l’empathie même, un calice pour le chagrin… Et vous voici, hier, à l’affiche encore, inquiétante comme le sont parfois les femmes pour qu’on les aime : vénéneuse, irrésistible. C’était vous la mante religieuse, sauvage et déterminée, outrancière juste ce qu’il faut. Joaquín, me croirez-vous si je vous dis qu’hier, à la sortie de Blancanieves, j’ai pensé à vous, à Carcassonne et à Madrid ? À cette époque où vous ne sembliez pas gaver vos toros pour les amener à Céret, et ceux-ci nous renvoyaient à des temps que nous fantasmions déjà, ou encore. 

Le noir et blanc vous va si bien, à Séville, en silence et en mantille. Cette autre carte postale, où la photographie est souvent prodigieuse, dans les bois et les corrals, où l’interprétation est «templée», expressive, et le propos tragique, émouvant sans jamais perdre la nécessaire distance. 

Le noir, le blanc, Séville et Buenos Aires. L’estampe et vos cartes postales. 

L’émotion et le temple. La distance. 

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Si la hâte n’était pas l’apanage des voleurs et des mauvais toreros, je vous conseillerais, amis lecteurs, de courir voir Blancanieves, de Pablo Berger (avec Maribel Verdú !), sorti en France ce mercredi 23 janvier. Allez-y donc, mais d’un pas mesuré et déterminé.