18 juin 2013

Prix au rabais


Dimanche 16 juin 2013, la commission taurine d’Aire-sur-l’Adour (à ne pas confondre avec l’empresa Biondi) a remis un prix à la meilleure pique de l’après-midi. C’est Tito Sandoval qui a raflé la mise, une fois de plus serait-on tenté d’écrire tant ce picador est devenu la coqueluche de l’Afición franco-espagnole. Jusque-là, rien de très nouveau sous le soleil (rare ces derniers temps) de la temporada. Il convient de saluer la démarche de cette commission qui, en se dirigeant bon an mal an vers des ganaderías dignes d’intéresser les aficionados a los toros (Baltasar Ibán, Prieto de la Cal), essaye depuis quelques années de redonner du lustre à la corrida en ces lieux. L’entreprise est énorme pour qui connaît un tant soit peu l’état et l’histoire de la tauromachie à Aire (succession d’empresas, changements de cap incessants, etc.), et nous ne pouvons qu’espérer que le dynamisme de certains l’emportera au final.

Donc, Tito Sandoval a raflé le prix. Oui, mais ! Mais, car tout d’abord Sandoval a la mauvaise manie de piquer avec la puya montée à l’envers — l’arête de la pique vers le ciel. Il suffit de regarder la vidéo de la corrida de Cuadri à Madrid (celle de la vuelta avec la cuadrilla) pour en prendre conscience. Ce fut le même numéro à Aire. 

Ensuite, les deux photographies qui accompagnent ce texte sont là pour illustrer la mauvaise pique qui fut récompensée. Loin de nous l’idée de tomber dans la facilité de croire que des photographies permettent de tirer des conclusions définitives sur un moment précis de la lidia, et loin de nous l’idée de généraliser cette pratique devenue habituelle sur certains blogs espagnols, qui n’en finissent pas de décortiquer le toreo de quelques-uns (souvent des figuras) à travers des images qui peuvent être sujettes à caution, en fonction de l’angle, du moment du déclenchement et d’autres aléas inhérents à cette pratique. Néanmoins, ces deux photographies permettent de juger de l’emplacement de la puya dans le toro.

Elles ont été prises lors de la première rencontre du toro n° 69, sorti en sobrero. Sur la première photographie, Sandoval plante clairement la puya dans l’épaule gauche, très en arrière de l’endroit auquel plus personne ne jette un œil : la base arrière du morrillo. À cet instant de la rencontre, Sandoval est excusable : le toro est venu de loin (comme Castaño et lui ont coutume de le faire dans un numéro certes bien rôdé, mais qui va à l’encontre de la logique de la lidia), et l’impact assez fort peut expliquer qu’il soit difficile de placer la pique au bon endroit. C’est la seconde photographie qui agace le plus : le toro a poussé et Sandoval a changé l’emplacement de la puya. En soi, et malgré les hurlements du public dans ces cas-là, il n’y a rien de scandaleux à ce qu’un picador corrige le tir, au contraire même, si ce tir est corrigé pour être amélioré… ce qui n’est que très rarement le cas ! Ici, Sandoval a simplement replacé sa puya dans l’autre épaule du toro, exactement au même niveau que le premier trou.

Tito Sandoval est un grand picador, et cela personne ne peut le contester. Cependant, il y a un monde entre reconnaître les qualités d’un torero et l’acclamer dès qu’il monte sur un cheval face à un toro parce que c’est lui. Les peñas aturines, torses nus et chariots bien remplis (serait-ce une nouvelle tradition en train de naître sur les bords de l’Adour ?), qui ont scandé son nom lors de sa sortie de l’arène, ont certainement confondu monter à cheval et piquer un toro.