24 juin 2013

Une passe n’est pas toréer


La tauromachie peut-elle n’être qu’esthétisme ? À observer les novilleros venus hier à Saint-Sever, il serait envisageable de le croire tant leur démarche semble se résumer à enchaîner des passes sans avoir une once de souci de la lidia idoine.

Hier, la meilleure illustration est venue d’un certain Tomás Angulo, dont la détermination était lisible sur son visage un rien féminin, dès le paseíllo. Angulo a proposé de biens beaux gestes tout l’après-midi — chacun étant ponctué par les olés vulgaires, parce qu’exagérés, de deux béats en barrera. Pourtant, Angulo n’a pas toréé, et c’est bien ballot pour un torero. 

Toréer ?… Toréer : c’est-à-dire prendre la mesure d’un novillo, savoir juger de sa charge, des défauts de celle-ci, de ses qualités, de sa longueur ; c’est-à-dire savoir jauger le châtiment correct à donner au novillo, et ne pas demander automatiquement un changement après la première rencontre — heureusement, le président Amestoy fut sur ce point intraitable ; c’est-à-dire trouver le sitio et évaluer la bonne distance pour exploiter au mieux les charges intéressantes du novillo ; c’est-à-dire tirer la main pour donner une sortie au novillo, et non pas l’ouvrir pour l’envoyer sur l’extérieur ; c'est-à-dire avancer la jambe et tendre le bras vers la corne contraire pour se croiser; se croiser d’autant plus quand le novillo l’exige par des charges lourdes, pesantes et un retour rapide ; c'est-à-dire tuer avec la main gauche et non pas en plongeant sur le frontal du novillo.

Tomás Angulo a de très beaux gestes et un poignet soyeux, déjà. Tomás Angulo est jeune et encore inexpérimenté, en devenir donc, et il convient de lui accorder son manque d’expérience pour juger sa prestation. Tomás Angulo fait partie de ces rares novilleros qui acceptent de s’envoyer des Escolar Gil quand d’autres chipotent sur des Fuente Ymbro. Tomás Angulo a envie de toréer, mais, hier, Tomás Angulo n’a pas toréé. Il a seulement enchaîné des passes. Tomás Angulo pourrait être Borja Jiménez ou Cayetano Ortiz, à qui sa cuadrilla susurrait depuis les burladeros de toréer en ligne droite. Tomás Angulo a fait deux vueltas al ruedo et coupé une oreille. Il souriait, mais n’avait pas toréé.